CHAPITRE 19, PARTIE 1 - La vérité dans le mensonge

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Point de vue de Seira

Je ne ressentais rien. Était-ce normal ? Mes doigts, mes jambes et chacun de mes membres paraissaient avoir disparu.

Je clignais des yeux, croyant pendant un instant être devenue aveugle. Mais non, j'étais bien dans un espace noir, vide, sans limites distinguables. Il n'y avait pas de vent, pas d'odeur ; l'air était sec, comme figé. Mes pieds s'appuyaient sur un sol inexistant. Je frissonnai. Où étais-je ? Était-ce seulement réel ?

Tu ne reconnais pas ?

Je me retournai vivement, effrayée par ce timbre métallique brusquement survenu derrière mon dos.

Elle provenait d'un homme grand, à la carrure imposante et encapuchonné de la tête aux pieds. Pas même son visage n'était visible, farouchement dissimulé derrière un masque de fer inexpressif. Archaos.

Vous... murmurai-je d'une voix rêche, emplie d'une colère bien perceptible.

Moi, confirma-t-il.

Vous pouvez lire dans mes pensées ? Quel est cet endroit, et comment m'y avez-vous amenée ?

Il rit, entreprenant de marcher autour de moi.

Tu te trouves dans la dimension où tu m'as toi-même envoyé il y a de cela dix-huit ans. Récemment, j'ai enfin réussi à en prendre le contrôle ; cela m'a permis d'en sortir... Et aujourd'hui, je peux y emmener pour un temps limité n'importe quel esprit, qui une fois ici, n'a plus aucun secret pour moi.

Son ton s'était soudain fait plus agressif, peinant à cacher cette rancœur et cette haine profonde qu'il enfermait au fond de lui. Je ne répondis pas à sa provocation, cherchant discrètement des yeux une sortie à ce cauchemar. Je savais que j'aurais dû avoir peur, que mon cœur aurait dû battre la chamade ; mais c'était simple : mon corps était vide. Ce n'était qu'une enveloppe, sans contenu.

Il n'existe aucune issue, je suis désolé, s'excusa-t-il sur un faux ton empathique. Mais pourquoi vouloir me quitter si vite ? Nous avons enfin ce tête-à-tête que nous attendions tant !

Pourquoi est-ce que je ne ressens rien ? crachai-je, la panique me faisant peu à peu perdre tout contrôle.

Pardonne-moi, je ne peux pas transporter autre chose que des esprits ici. J'ai dû laisser ton corps là-bas, mais ne te fais pas de souci : tu le retrouveras bien assez tôt. Toutefois, si je peux te donner un conseil... Ne sois pas trop impatiente de le regagner. Au moins, la douleur est absente en ce lieu.

Sa voix s'était faite doucereuse, comme un fauve appréciant le moment où il bondissait sur sa victime. Je vis rouge.

Qu'est-ce que vous m'avez fait ?

Je bouillonnais de l'intérieur. Me tenir en présence de cet homme me donnait des envies de meurtres.

— Moi ? S'offusqua-t-il. Rien, justement ! En revanche, mes Ombres... Je voulais te tuer moi-même, mais par un malheureux tour du hasard, leur venin le fera à ma place. C'est dommage, mais par chance, le résultat est le même.

J'allais mourir ? Comment ? De quoi parlait-il ?

Je cherchai dans ma mémoire un quelconque élément qui pourrait confirmer ses paroles ; je n'y trouvais rien, c'était le noir sidéral. Oui, c'est cela : il mentait, ne disant cela que dans le but de me déstabiliser. Et puis il y avait de grandes chances pour que quand je me réveille, je me rende compte que tout ceci n'était qu'imaginaire.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant