CHAPITRE 4 - Xemehys

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Xerys marchait à côté de moi. Sa tête était baissée vers le sol, qui, dallé par alternance de marbre noir puis de blanc, était si poli qu'il reflétait les murs immaculés aux fenêtres dorées qui habillaient le couloir. Elle semblait être en intense réflexion et le silence qui régnait entre nous ne faisait que m'angoisser davantage ; pourquoi ne disait-elle rien ? Elle qui m'avait l'air des plus loquaces paraissait maintenant bien silencieuse.

Elle avait reçu l'ordre de me montrer le chemin jusqu'à ma chambre, afin que j'aille me reposer ; l'angoisse de la journée s'était transformée en puissante fatigue, et je me sentais comme au bord du vide.

À mesure que ma Xemehys avançait dans son parcours, je me rendis compte que je n'aurais jamais pu trouver le chemin seule : la grotte se révélait être un véritable labyrinthe, truffé de passages secrets dissimulés entre deux colonnes ou sous une statue. Seulement, Xerys avait grandi ici et cet endroit n'avait plus de secrets pour elle.

J'observai la jeune fille. Ses cheveux d'un blond vénitien et brillant étaient lisses et ses yeux avaient l'air d'hésiter entre le bleu et le gris. Sa peau était d'un beige pâle et ses joues parsemées de discrètes taches de rousseur. Des fossettes plus marquées apparaissaient à chacun de ses sourires, lui donnant un petit air enfantin qui ne faisait que s'ajouter à son charme. Sa silhouette, fine et élancée, aurait pu paraître frêle si son allure n'avait pas été aussi déterminée. Sous ses airs de jeune fille innocente, j'avais l'impression de pouvoir voir le profil d'une véritable guerrière, et ce même sans sa combinaison de cuir noir.

— Maman... Maman est angoissée, lâcha soudainement Xerys, me surprenant quelque peu dans ma contemplation.

Sa voix était moins légère qu'à l'habitude et je notai ses pas pressés.

— Je ne sais pas si j'ai le droit de t'en parler, m'avoua-t-elle en se tordant les mains. Même si de toute façon, cela ne changerait rien... Je suis ta Xemehys, je te dis tout, ria-t-elle nerveusement.

Je ne dis rien, la laissant s'exprimer.

— Pas uniquement à cause de toi, me rassura-t-elle. Aussi par tout le reste : Archaos, l'avenir du monde... les Légendes sont agitées ; elles pressentent que quelque chose d'important va bientôt se produire, et Maman n'arrive pas à savoir quoi. Être angoissée a toujours fait partie intégrante de sa vie de mère — je lui ai mené la vie dure — mais en ce moment, elle l'est plus que d'habitude et c'est cela qui m'inquiète.

Sans réfléchir, je lui pris la main et elle la serra fort.

— Ton père... il est ici ? lui demandai-je d'une voix douce, désireuse de changer de sujet.

— Non, il n'est pas là... Il est mort à ma naissance, dit-elle, un sourire triste au visage.

La culpabilité me tordit l'estomac et je me sentis aussitôt totalement idiote. Navrée, je bégayai :

— Je suis désolée...

Elle haussa des épaules et me rassura d'une pression de la main :

— Ne t'inquiète pas, je ne l'ai pas connu.

Puis elle ajouta, une lueur mélancolique habitant tout à coup son regard :

— On peut dire que le seul homme de ma vie a toujours été Elyon... Quand il est arrivé à la grotte, je devais avoir sept ans et lui huit. Il était si mature que j'ai longtemps eu l'impression d'avoir plusieurs années d'écart avec lui... Je le considérais comme un grand frère. Mais quand il a eu quinze ans, il est parti et s'est absenté pendant quatre ans... Voilà bientôt trois mois qu'il est revenu et je ne le reconnais toujours pas : il n'est plus le même. Il est devenu bien plus secret, beaucoup plus sérieux... plus libre aussi. Il va et vient dans la grotte en permanence.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant