CHAPITRE 29 - Réminiscence

Depuis le début
                                    

Les yeux fatigués de Kalyra parcouraient le tableau avec nostalgie et tristesse. Elle l'avait connu, pas moi. Tout ce que j'arrivais à ressentir, c'était un regret immense, et une forte colère. Pourquoi moi ? Pourquoi eux ? Comment Archaos pouvait-il enlever la vie si facilement, sans penser à tout le mal qu'il laisserait derrière lui ?

— Quel gâchis, murmura Kalyra, la voix brisée. J'ai perdu un an et demi sans voir mon fils simplement pour une histoire absurde d'un destin non respecté. Et je n'ose imaginer ce qui se serait passé si Laiken avait révélé que celle qu'il aimait n'était autre qu'une Aequoriale et la fille de son pire ennemi...

— Pourquoi les Aequoriales et les Meridiems se haîssent-ils tant ? dis-je, refusant de croire que tout ceci n'était que purement génétique.

Elle réfléchit une seconde, prenant en considération ma question.

— Je crois qu'il y a bien trois raisons : la première, tu la connais. La génétique. Notre adversité s'est ancrée dans nos gênes, au sens propre du terme. Deuxièmement, parce que cette haine dure depuis si longtemps que maintenant, on les déteste parce qu'on l'a toujours fait et parce qu'on ne se souvient plus de la « vraie » raison. Ensuite, car ils sont différents, tout simplement. Ils sont même l'exact opposé de ce que nous sommes. Ce que l'on ne connait pas fait peur, n'est-ce pas ? C'est un peuple aussi puissant que nous, et cela fait d'eux des adversaires de taille capables de nous battre. Les Aequoriales savent faire des choses que nous ne pourrons jamais faire, et inversement, mais cela a installé une jalousie féroce entre nous...

On quitta la pièce, et elle poursuivit :

— Cela nous a amenés à... faire des horreurs. Il faut que tu saches que le peuple des Aequoriales, ton peuple, a un sens de l'honneur extrêmement développé. Cela leur porte souvent préjudice... leurs punitions, du moins du temps de ton grand-père, étaient très importantes. La pire date d'il y a environ deux cents ans, avant qu'Oblivion ne disparaisse. Elle a eu lieu en raison d'un amour entre nos deux peuples... comme ton père et ta mère. L'amant était le premier héritier en titre au trône d'Oblivion.

Je tournai vivement la tête vers elle, stupéfaite.

— Le pauvre a servi d'exemple : son aimée a été exécutée, sur accord de nos deux peuples après que ton grand-père eut suggéré la punition. Othorion a hésité au début... cela revenait à condamner l'une des nôtres. J'ai essayé de l'en dissuader, mais cette histoire d'amour avait atteint le stade de scandale et s'il ne l'avait pas fait, la pauvre aurait sûrement été lapidée par sa propre famille. Le jeune Prince a tout fait pour empêcher cela... mais il n'a rien pu faire. Quand elle est morte, il s'est suicidé. Personne n'a jamais réussi à retrouver son corps...

Retenant un hoquet d'horreur, je mis ma main devant ma bouche. Comment... ? Comment une telle barbarie était-elle possible ? Ils s'aimaient ! Comment l'amour pouvait-il devenir un crime ? Le visage d'Elyon apparut alors dans ma tête. Je comprenais l'anxiété qu'il pouvait ressentir, mais depuis le temps, les mentalités n'avaient-elles pas évoluées ?

— J'en ai fait des cauchemars toutes les nuits, après. Ton père n'avait que six ans, il ne pouvait pas comprendre pourquoi je pleurai. Je ne lui ai jamais dit. J'avais si honte... mes mains étaient tachées de sang. Je crois que c'est à partir de là que j'ai réalisé à quel point nous devions faire cesser cette querelle. Seulement, la Guerre des Ombres s'est déclarée et le royaume d'Oblivion a disparu.

Mon ventre s'était noué sous l'affreuse de cette histoire. Je tentai d'assimiler ses paroles. Jamais je n'aurais cru que des êtres pouvaient être capables de choses aussi horribles. Kalyra perçut ma pensée :

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant