IV

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Ils m'ont obligé à rentrer à la maison, parce que - je cite - «j'empêchai le bon travail du personnel médical». Bullshit. Ils étaient juste pas capables de voir une personne se soucier autant d'une autre.

Oh et puis qui est-ce que je trompe? J'ai fait que ça les déranger. Toute la semaine. Comme si ils avaient pas d'autre chose à faire que m'entendre leur crier comment faire leur travail alors que, soyons honnête, je n'y connais strictement rien.

Alors me voilà de retour à la maison. Seule. Papa travaille toujours. Il est pas revenu voir Jordan à l'hôpital après être parti ce jour-là. En fait, personne ne l'a vu depuis.

Une chance pour lui, sinon je crois que je l'aurai étranglé.

Donc, puisque je peux pas retourner à l'hôpital avant les heures que ces singes à manches longues m'ont accordé (soit entre 16 et 18 heures en semaine et entre 13 et 21 heures les fins de semaines), je me prépare pour aller rejoindre Alex à l'école. Mon premier cours ne commence pas avant quelques heures, mais j'ai du rattrapage à faire, puisque j'ai passé les six derniers jours à l'hôpital. Et en meilleur ami comme il est, Alex m'a gentiment dit qu'il allait me passer ses notes pour que je me mette à jour.

La musique aux oreilles, j'ai passé une heure complète à écrire, retranscrire (aussi à déchiffrer) et essayer de comprendre les notions sur les pages de notes d'Alex, rédigées de son écriture à grands traits artistiques. Par chance qu'il est dans le profil d'art à l'école, sinon je crois qu'il ne trouvera jamais sa place.

-Eh! Ma meilleure amie d'amour est de retour! me lanca Alex. Chouette, ça rime!

-Salut.

-Je te jure, me dit-il en prenant place à côté de moi, sur l'une des tables pleines de graffitis, à la bibliothèque, le cours de psychologie, c'est d'la grosse merde. Le prof ouvre la bouche et j'ai envie de sortir en courant de l'auditorium.

-Pourquoi t'as choisis ça alors? Je ne le laissais rien ajouter avant d'enchaîner. Et puis, qu'est-ce que la psycho va venir faire dans ta carrière de journaliste?

-C'est un cours supplémentaire que j'ai choisi. Choisi pour enrichir ma culture personnelle. Comme toi, sauf que t'a choisi sociologie. La seule différence c'est que moi je comprends ce qu'on m'enseigne.

-À quoi ça va te servir, pour vrai?

-À mieux comprendre les autres. À les déchiffrer.

-Comme..? tentais-je de le faire continuer.

-Comme reconnaître quand t'es malheureuse parce que ton père est toujours pas revenu voir ton frère à l'hôpital et que lui refuse toujours d'ouvrir les yeux et de te prouver qu'il est vivant.

-T'es fort.

-Je sais!

Il appuya son menton sur son poing, toute son attention sur moi.

-Et je sais aussi qu'il y a autre chose et que tu ne veux pas m'en parler maintenant. Tu sais que c'est correct? T'es pas obligée de tout me dire, mais je suis là pour toi si t'a besoin. Toujours.

J'espère qu'un jour il comprendra à quel point il a raison. Oui, j'ai quelque chose qui me tracasse et dont je ne veux pas lui parler. Il gère déjà trop à mon goût mes émotions à ma place.

C'est ce maudit faut-docteur aussi qui m'énerve. Il a passé la semaine à me lancer un petit regard en rentrant dans la chambre de Jordan pour prendre ses signes vitaux - d'ailleurs, c'est pas le travail d'une infirmière ou d'une préposée, ça? - puis repartait sans m'adresser la parole.

Il passait la journée à rire avec les autres patients ou les membres de leur famille.

À amuser les autres, passer du bon temps et m'ignorer.

À disparaître aussi. Mais ça, je ne l'ai remarqué que vendredi (4 jours après que Jordan ait été admis à l'hôpital).

Vers seize heure, à tous les jours, il finissait sa tournée de patients, allait déposer ses dossiers au bureau de contrôle, prenait l'ascenseur et disparaissait dans les étages.

Peut-être allait-il voir d'autres patients, au toilette ou se griller une cigarette (il ne peut pas que parfait, non?), comme tout être normal ferait... sauf pour aller voir les autres patients. J'aurais jamais de temps à perdre avec ce genre de conneries, et je me trouve relativement normale.

-Laurence? entendis-je.

-Hein? Quoi?

-Tu m'écoutais pas, me repprocha Alex.

-Je sais. Répètes.

- Je te demandais si tu allais bientôt te décidé à venir souper à la maison? Maman ne me parle que de ça depuis des semaines. Elle rêve de te rencontrer.

- Tu sais que je suis pas à l'aise avec les gens, Alex... Je risque juste de la rendre mal à l'aise. Et elle ne doit pas vraiment s'attendre à ce que ta meilleure amie soit...

- Soit quoi?

- Ben... comme moi. J'suis pas le genre de fille vraiment féminine ou classe, disons.

- Mais tu comprends pas à quel point on s'en fou! Depuis quand t'es aussi mal dans ta peau?.

- Je ne suis pas mal dans ma peau, j'ai juste pas le goût de me faire rejeter à nouveau...

- Est-ce que ç'a un rapport avec Guillaume? demanda-t-il, soudain sérieux.

-Quoi!? Non!

- Certaine?

- Oui, je te dis!

Guillaume, c'est mon dernier copain... Ce n'était pas vraiment un copain, mais - non c'est était un dans mon esprit. Dans le sien, je n'étais qu'un nouveau jouet. Comme à chaque fois que je m'attache, j'en reçois une bonne entre les deux et tout explose. Je pense que tout va bien, que tout est rose, et puis je me fais avoir. C'est toujours comme ça. J'en ais mare.

Guillaume, avec lui, je me sentais différente. Il me sortait, me payait mes billets de cinéma et les additions de restaurants. Il me reconduisait jusqu'à ma porte, m'embrassait puis repartais en se retournant au moins trois fois pour me lancer des sourires.

J'étais trop conne, faut croire.

Parce que trois semaines plus tard, il m'a laissé me réveiller seule - après notre première nuit ensemble - avec un seul message comme indice.

''Just fucked you real nice, In everyway you want''

En gros, j'm'était vraiment fait baiser.

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@StefAnnny04

It's No Fairytale (French)Where stories live. Discover now