CHAPITRE 18 - Maintenant ou jamais

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Une fois remise de mon léger étourdissement, je dus faire à nouveau face à la réalité ; je crus vivre un cauchemar éveillé. La forêt était assaillie par de larges et hautes flammes, et les sorts fusaient de partout. Lenora avait déjà le visage en sang et deux des gardes ne bougeaient plus, allongés au sol dans une position désarticulée. Leurs regards vides et leurs poitrines parfaitement immobiles ne laissaient aucun doute possible. Ma gorge se serra à la vue d'un spectacle si horrible, et je détournai la tête. Au-dessus de moi, combattant avec fougue, Elyon était méconnaissable : ses traits étaient froids, sans pitié. Ses gestes étaient puissants, son épée maniée avec justesse et force. Les ailes dans son dos n'avaient jamais paru aussi menaçantes, et elles le faisaient se déplacer dans les airs avec une vitesse et une agilité déconcertantes. À ce moment-là, je réalisai que mon ami d'enfance avait bien changé, et qu'en trois ans, il pouvait se passer beaucoup de choses. Il avait tout l'air d'un guerrier accompli, et non plus de ce jeune garçon blessé par la vie que ma mère avait trouvé. Aujourd'hui, c'était un homme.

Lenora n'était plus que flammes, embrasant tout ce qui se trouvait sur son passage. À cause de son aile blessée, elle ne pouvait plus voler, mais ses projectiles enflammés atteignaient sans mal la cuirasse épaisse et sombre des créatures. Dès lors que le feu de la Meridiem rentrait en contact avec leurs écailles, celles-ci poussaient un hurlement sourd qui paraissait résonner dans le ciel. Quant à Leven, étrangement, il ne faisait rien. Non, il restait simplement dans les airs, observant de ses yeux attentifs le champ de bataille. Qu'est-ce qu'il fait? Elyon, Lenora et le dernier garde ne pourraient jamais garder éloignées les Ombres seuls, et encore moins en venir à bout. Elyon, même s'il était parvenu à mettre à terre trois Ombres, ne pourrait plus maintenir ce rythme plus longtemps, et il en était de même pour la princesse meridiem. Le feu brûlant en elle s'éteignait peu à peu, et elle ne tarderait pas à être à court d'énergie.

Je me relevai et dégainai mon épée, prête à leur venir en aide. Toutefois, était-ce une bonne idée de laisser Seira seule à terre ? La pression du dilemme grandit en moi à toute allure, influencée par le temps qui s'écoulait sous mes yeux. Et, alors que je me sentis sur le point de fondre en larmes, à bout, le temps sembla s'arrêter. La forêt fut soudainement illuminée par une clarté vive et l'atmosphère, avant lourde et menaçante, devint douce et rassurante.

Une vingtaine de grands cerfs blancs sortait du bois, chacun protégé par un bouclier sphérique et compacte. Devant une telle splendeur, mon souffle fut coupé et je mis un moment avant de réaliser ce qu'étaient réellement les créatures.

Des Présences.

Je n'aurais jamais pu penser une seule seconde apercevoir ces êtres légendaires de ma vie. Elles ne se montraient jamais aux yeux de l'homme et résidaient si profondément dans la forêt qu'il était impossible d'espérer les voir sans mourir de faim bien avant d'arriver à destination. En résumé, très rares sont ceux qui avaient eu le privilège de les observer, même un instant. Avec ces créatures, rien n'est laissé au hasard : si tu dois les voir, tu les verras. Si tu dois rester dans l'ignorance, tu ne les rencontreras jamais.

Leur robe était aussi blanche que la neige et leur tête surplombée d'une imposante ramure dorée, brillant du même éclat que leurs pinces. Avec le coucher de Soleil, les créatures prenaient une splendide teinte orangée, absorbant les derniers rayons émis par le soleil qui laissait peu à peu sa place à la lune.

Les Présences s'avancèrent d'un même pas vers nous, puis, dans un bel ensemble, se cabrèrent et abattirent vigoureusement leurs sabots contre le sol. Le bruit du choc résonna dans tout le silence de la nuit naissante, et les boucliers des Présences, d'une netteté incomparable, enflèrent pour venir se rejoindre et s'assembler. Une immense Aegis prit alors forme devant nous, d'une puissance égale à celle que Seira avait réussi à ériger pour quelques secondes ; sauf que celle-ci était stable et renvoyait une impression d'invincibilité qui rassurerait n'importe qui.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Where stories live. Discover now