CHAPITRE 15 - Si tu savais

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Abandonnant ma peur de l'inconnu, je fermai les yeux et me laissai porter par la délicatesse de son baiser. Je me sentis pousser des ailes, découvrant une liberté nouvelle.

Notre baiser ne dura qu'un instant, et pourtant il me sembla s'étaler sur une éternité. Il s'était fait brûlant, mais discret, à la manière d'un premier pas que l'on poserait sur une terre encore inexplorée.

Quand nos lèvres se séparèrent enfin et qu'il recula dans l'obscurité de la nuit, déployant ses longues ailes noires et s'envolant dans les étoiles, je me rendis compte que j'étais restée en apnée tout le temps que dura notre rencontre.

Puis, sans un mot, sans un regard, il disparut. Je demeurai immobile, incapable de réaliser ce qu'il venait de se passer. Mon cerveau peinait à remettre les images dans l'ordre et mon cœur, lui, n'était pas près de s'arrêter. Je me sentis tout à coup vidée d'énergie, épuisée par le moment d'intense émotion que je venais de vivre. Sans m'en rendre compte, mon pouce caressa mon poignet incandescent.

C'était quoi, ça?

***

Je n'avais trouvé le sommeil de toute la nuit. À chaque fois que je fermais les yeux, je retrouvais la sensation de ses lèvres pressant les miennes. Maintenant encore, je me demandais si tout ceci était réel et si je n'avais pas rêvé. Pourtant, je l'avais vécu. Tout ce que j'avais ressenti hier soir ne pouvait que s'être produit, j'étais incapable de l'imaginer.

— Tu es sûre que tout va bien ? Tu me parais exténuée et depuis ce matin, particulièrement ailleurs.

Si Xerys avait retrouvé un semblant de couleurs, ce n'était pas mon cas. Je devais avoir des cernes de trois mètres de long et un teint près de ressembler à celui d'un cadavre.

La jeune fille, montée sur son Amili, m'observait d'une mine soucieuse, tentant probablement de lire dans mon cœur grâce à ses fonctions de Xemehys.

Que devais-je faire ? Agir en véritable amie et tout lui avouer, ou maintenir cet événement secret ? Après tout, il m'était encore difficile à moi-même d'intégrer ce moment de la veille, et j'avais bien envie de le garder pour moi, comme un trésor bien trop beau pour être partagé.

— Je n'ai pas beaucoup dormi, j'ai du mal à me concentrer, me justifiai-je alors simplement.

Je n'avais pas menti ; ce n'était que la vérité, même si elle n'était pas complète. La jeune fille blonde plissa les yeux, sceptique, mais finit par accepter mon explication sans chercher davantage.

— Un lac, un lac !

Leven revint en volant, un immense sourire peint sur son visage. On ne put retenir un cri de joie à l'entente de cette nouvelle si réjouissante. Nous allions enfin pouvoir boire et nous laver.

Elyon n'eut d'autre choix que de s'arrêter. On quitta l'aire d'Antimagie qu'il avait érigée autour du groupe, se ruant vers l'étendue d'eau. En m'éloignant, tirée de la main par Xerys, je ne pus que croiser son regard. Teinté de ce bleu outre-mer splendide, il me chamboula toute entière, comme à chaque fois. Depuis la veille, nous ne nous étions plus adressé la parole. Ce silence devenait pesant et je me sentais perdue. Je me promis d'aller lui parler une fois l'épisode du lac révolu. Je devais en avoir le cœur net.

Le soleil tapait fort, et je passai en revue le paysage qui s'étalait devant mes yeux. La surface calme du lac miroitait, son eau aussi claire que du cristal. Quand Xerys, sans me laisser le temps de rêvasser davantage, m'emmena jusqu'à l'eau, je fus frappée par sa pureté. C'était de l'eau douce et fraîche, agréablement réchauffée en surface par les rayons de midi. Saphir nous rejoignit une demie-seconde plus tard, nous éclaboussant sans ménagement. On rit sans retenue, délivrées d'une pression permanente qui ne cessait de peser plus lourd encore. Nageant dans les profondeurs, jouant sur les rochers et nous arrosant comme des enfants, le moment parut durer des heures. Même Lenora s'était prêtée au jeu, acceptant de se baigner, et Leven nous avait rejointes en effectuant un plongeon d'une bonne dizaine de mètres de hauteur. Seuls les gardes et Elyon restèrent sur la rive, ce dernier nous surveillant avec un sourire en coin qui faisait ressortir ses fossettes. Plusieurs fois, je le pris la main dans le sac en train de m'observer ; je me sentais rougir jusqu'à la racine des cheveux. Ce n'était plus possible, il fallait vraiment que je sache.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Where stories live. Discover now