3- Rosalynde

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La brume qui entourait la voiture se dissipait. Ainsi, dès le réveil, Madeleine proposa aux filles d'aller se confronter à ce qui les avait effrayées la veille.

— On va retourner dans « la chambre avec des yeux » ? s'inquiéta Sarah.

— Oui ma chérie. Il faut qu'on règle ça.

— Après tout, peut-être qu'on va se rendre compte que c'était qu'un zombie, ironisa Suzy.

— Tu cherches à faire peur à ta petite sœur ?

— Si on peut plus rigoler...


À l'étage, devant le pas de la porte, elles furent très étonnées. Sur un fauteuil à bascule trônait une poupée. Elle était charmante avec ses grands yeux bleus (rien à voir avec ce qu'elles avaient vu dans le noir !) et ses longs cheveux roux soyeux. Elle portait une robe couleur de printemps.

— Dire qu'on s'est caillées toute une nuit dans la voiture à cause d'un jouet ! ronchonna Suzy.

— Maman, pourquoi ils étaient rouges, ses yeux ?

— C'était sûrement dû à la lampe torche, une sorte de reflet.

— Et elle a quel âge, tu penses ?

— Ce n'est pas une personne, elle n'a pas d'âge Sarah.

— Eh ben moi, je dis cent ans.

— N'importe quoi. Ses yeux, hier, ils avaient au moins cinq mille ans...

— Suzy !

— Ça va... Je dis ça comme ça !

Madeleine s'était rapprochée du jouet pour l'observer.

— Oh ! Venez voir, les filles. Son nom est brodé à l'intérieur de sa robe. Elle s'appelle Rosalynde.

— C'est joli ! Moi, je veux m'appeler pareil.

— Tu sais, Sarah c'est joli aussi. N'oublie pas que c'était le prénom de ta Mémé.

— Non ! Moi je préfère Rosalynde. Maman, tu m'appelles comme ça maintenant, d'accord ?

— Je sais pas si c'est une bonne idée, ma chérie...

— Siii ! Rosa-lynde, Rosa-lynde ! Rosa-Lynde !

Suzy semblait préoccupée.

— Regardez !

La poupée pointait du doigt un coin de la chambre. Ainsi, lorsqu'on tournait les yeux, pouvait-on distinguer au milieu des motifs fleuris de la tapisserie un délicat petit bouton de porte, à hauteur d'enfant. Qui avait eu cette idée bizarre ?

— Oh, une porte enchantée !

— Mais tu vois bien que ce n'est pas une porte, ma bichette. C'est juste...

— Un passage secret ! s'exclama Suzy.

— Tu as beaucoup d'imagination ma fille, tu sais !

— En attendant, j'ai pas vu de chat, moi...

Son aînée avait beau tenter d'enfoncer le clou, Madeleine s'était reprise depuis sa petite frayeur de la veille.


Cet intermède passé, elle décida de redonner vie à cet endroit. Après avoir retiré les draps qui protégeaient le mobilier, elle dénicha quatre magnifiques chandeliers en cristal qu'elle disposa sur la longue table en bois massif de la pièce centrale. Le meuble poli sentait encore la cire d'abeille. Elle réalisait à quel point cette demeure immense était impossible à tenir seule. Elle devrait rapidement trouver du personnel pour l'aider dans les tâches ménagères. Pour ce faire, elle utiliserait la somme allouée par le notaire.

Elle en était là de ses réflexions, quand Suzy, qui était partie on ne sait où, fit irruption dans la pièce.

— Elle a bougé.

— Qui ça ?

— « Rose-machin » !

— Je comprends rien...

— La poupée ! Elle a bougé. Elle est debout sur le fauteuil.

— Écoute ma grande, on a beaucoup de travail ici, tu sais. Même ta petite sœur met la main à la pâte. Alors, arrête un peu tes blagues et viens nous aider !

— J'y suis pour rien !

— D'accord, mais tu sais très bien qu'à moins d'être équipé de piles, ça ne bouge pas un jouet !

— Ben moi je l'aime pas, cette poupée...

RosalyndeWhere stories live. Discover now