3] Bestial

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Ange connaît les humains. Elle les a attentivement observés durant ces vingt-quatre années. Et il n'y a que deux choses qui dirigent le monde: la peur, et le vice.
Le vice se dévoile sous de nombreuses formes, toutes plus répugnantes les unes que les autres. L'argent, le pouvoir, et surtout le sexe.
Cette bestialité ridicule Ange ne la comprend pas. Elle ne comprend pas l'intérêt de mélanger son corps à celui de quelqu'un d'autre. Elle trouve ça presque comique. Des verres de terre qui se frottent l'un à l'autre en puisant des gémissements plaintifs comme s'ils agonisaient... quoi de plus ridiculement drôle en effet?

Mais si cela la dégoûte plus que ne l'attire, elle a appris comme tout le reste à simuler une normalité sexuelle que les hommes et les femmes aiment. Elle sait ce que l'autre attend et a le don de rendre folle la personne qui s'aventure à ce genre d'activités avec elle. Et cela lui permet d'obtenir beaucoup de choses, parce qu'alors ils ne sont jamais assoiffé d'elle, et en veulent toujours plus.

Et l'homme qui est actuellement entre ses cuisses sera comme tous les autres: facile à hypnotiser. Elle l'a compris mieux que personne: savoir manipuler une queue ou un clitoris, c'est savoir manipuler le cerveau qui va avec.
Elle ne connaît que son nom, ou du moins son surnom, et qu'il avait un quelconque lien avec sa sœur et l'homme avec qui elle a été enterrée. Mais cela lui suffit. Elle peut désormais en faire ce qu'elle souhaite, sans le moindre problème.

Leurs corps nus s'entrelacent, et Ange ne met pas longtemps à remarquer qu'il a de toute évidence un besoin de domination. Il y va avec douceur mais la passion de l'instant prend peu à peu le pas sur lui et il se plaît à tirer ses cheveux, à la mordre légèrement et même à claquer une fois l'une de ses fesses.
Ange ne se laisse pas décomposée pour si peu, mais elle n'aime pas que quelqu'un essaye d'avoir le dessus sur elle, même pour de faux. Elle n'aime pas la façon dont il a de la prendre, de la pénétrer, de la soumettre comme il le fait, même si ce n'est pas extrême.

Elle se laisse néanmoins faire et simule du plaisir. Mais à un moment, les doigts de l'homme passent de son sein droit à sa gorge et il se met à serrer.
Elle voit qu'il est en train d'arriver à l'orgasme et c'est toujours à cet instant précis que les vraies personnalisations se révèlent.
Il augmente le rythme de ses coups de bassins, gémis d'avantage et se perd de plus en plus en lui même.
Et soudain, Ange voit. Elle voit sur sa joue quelque chose glisser et scintiller: une larme.
Il pleure. Cet homme qui la baise si sauvagement est en train de pleurer?!

Elle ne comprend pas.

Et puis soudain, dans un râle étouffe et animal il dit son prénom. Mais pas celui d'Ange. Non. Ce qu'il articule et qui arrive jusqu'aux oreilles de la jeune femme, c'est le prénom de sa petite sœur.

Et d'un coup tout s'éclaire.

Non. Non ce n'est pas simplement une « connaissance ». Ils étaient plus que ça l'un pour l'autre. Peut-être l'aimait-il. Peut-être la désirait-il simplement. Peut-être était-il son amant.
Ange n'en sait rien.
Mais elle comprend que s'il a été aussi facile à attirer jusque dans son lit, c'est parce qu'elle ressemble si incroyablement à sa sœur.
Il l'a vue, et est venue lui parler parce qu'il l'a voyait en elle.
Ce n'est pas en Ange qu'il est en train de jouir, mais en sa cadette. Et aussitôt toute la rage de la jeune femme remonte.

Elle le hait.
Elle le hait pour tout.
Elle hait parce que c'est lui qui est là, vivant, tandis que la petite est dans un cercueil froid et humide.
Elle le hait même si elle sait parfaitement qu'il n'est en rien responsable.
Elle le hait d'exister.
Elle le hait de respirer.
Elle le hait de sentir son cœur battre.
Elle le hait autant qu'elle hait tous les autres êtres humains sur cette terre.
Elle les hait tous.
Elle aimerait tous les voir mort si cela pouvait ramener sa sœur.
D'ailleurs, elle aimerait les tuer elle même, tous un par un, juste pour le plaisir, même si cela ne change rien.

Elle veut voir la souffrance, pour atténuer la sienne.

Alors, dans un instant d'extase, tandis qu'il se déverse en elle dans un ultime gémissement, elle saisit la lame de rasoir dissimulée dans le pendentif qui orne son cou, et sans la moindre hésitation, d'un geste vif et certain, elle vient trancher la gorge de l'homme.

AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant