Chapitre 2 : Anaële

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Je courus une heure et demi avant de finalement rentrer chez moi, le souffle court et trempée de sueur. La faim commençant doucement à pointer le bout de son nez mais je devais d'abord effectuer le bilan de ma journée. Cela se traduisait par l'examen approfondi de ma fréquence cardiaque grâce au capteur intégré à ma montre et connecté à mon téléphone. L'application retraçait le nombre de battements de mon cœur heure par heure et minute par minute. Je pouvais ainsi identifier de potentielles causes de rechute et les neutraliser immédiatement. Aussi, je possédais une grande maîtrise de mon corps, notamment grâce au sport ainsi mon cœur battait constamment entre 60 et 65 fois par minute. Lorsque je me trouvais être vraiment sous pression, il montait au maximum jusqu'à 85 battements par minute mais je gérais très bien le stress et gardais mon sang froid en toute circonstance. Ma montre était donc indispensable car tout écart émotionnel se manifestait par une augmentation significative de ma fréquence cardiaque.

Je vivais dans un sobre trois pièces, en plein cœur de San Francisco. Il se trouvait au dernier étage d'une résidence étudiante  plutôt moderne où il y faisait bon vivre et possédait l'avantage d'être pourvu d'un petit balcon. Même s'il donnait sur les immeubles avoisinants, il avait le mérite d'être là. Tout l'appartement était dans les tons neutre et décoré très simplement, de façon minimaliste. A l'exception de quelques cadres, ici et là, qui habillait les murs pour éviter l'effet hôpital, tout ce qui se trouvait chez moi avait un but, rien de superflu ou d'inutil.

Là encore, un changement avait été nécessaire lorsque j'avais décidé de reprendre ma vie en main. J'avais troqué un bel et grand appartement avec une magnifique vue sur toute la ville contre celui-ci. Le contrôle résidait dans la simplicité.

Et quand bien même toutes ces précautions, la tentation était partout, je découvris avec surprise qu'Elle s'était bel et bien glissée dans ma journée. Mes réactions physiologiques au moment de ce feu rouge le démontraient. Ma fréquence cardiaque était devenu effrénée l'espace de quelques instants, grimpant jusqu'à 93 battements par minute. Je soupirai. Les lunettes de soleil. La fille aux lunettes de soleil représentait un élément déclencheur, puisque de toute évidence il ne s'agissait pas du jeune homme. Aussi séduisant soit-il, il ne m'avait même pas adressé un regard à cette intersection tandis qu'elle m'avait ouvertement défiée. C'était donc elle, le Risque, puisqu'en une poignée de minutes et en un sourire insolent, elle avait ravivé les obscures désires que je m'appliquais minutieusement à étouffer au plus pronfond de mon âme. La question n'était pas tellement cette fille que je ne reverrais jamais, mais plutôt ce qu'elle avait induit chez moi et elle venait d'entrouvrir la porte vers le retour de mes vieux démons.

Dans ce genre de situations précises, j'avais établi une sorte de protocole qui me permettait de combattre le feu par des flammes factices et complètement contrôlées. Aussi je donnais donc l'illusion à ma tête d'avoir obtenu ce qu'elle désirait sans pour autant replonger parce que tout était Connu, Conscient et Calculé. Il s'agissait de la règle des 3 C. Elle ne laissait aucune place à l'imprévu et contrait ce pic d'adrénaline qui m'était si dangereux.

En quelques heures, j'avais organisé mon plan de défense. J'avais réquisitionné 5 de mes amis et après plusieurs coups de fil, j'étais parvenue à nous dégoter 6 places pour un festival de musique électro le soir suivant. Sean n'avait pas été surpris par mon initiative et ma soudaine envie de sortir. Mia et Lara étant plutôt casanières, s'étaient montrées réticentes et s'étaient laissées prier avant de finalement céder. En réalité, c'était ce qu'elles voulaient faire croire mais les deux amies étaient loin d'être les dernières à faire la fête, bien au contraire. En revanche, j'avais perçu de l'étonnement et une certaine incrédulité dans la voix d'Eïleen et Jarod. La sœur et le frère n'avaient rejoint notre petit groupe que récemment et ignoraient encore toutes les facettes de ma personnalité, ce qui au fond n'était pas plus mal.

Une chose était sûre, samedi soir j'allais m'amuser. Séduire aussi.

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