Chapitre 28

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Claire me regarde d'un air curieux. Elle penche légèrement la tête. J'enlève ma main de la poignée. Je la prends par l'épaule et lui sourit. Elle paraît hésitante mais me sourit également après un moment de son sourire timide mais si chaleureux ! Son sourire illumine ma journée. Je ne voulais pas m'accrocher à elle par peur de revivre ce que j'ai déjà vécu, mais sa présence me fait continuellement du bien. Elle est adorable avec moi, me comprend et est toujours présente quand j'ai besoin d'elle, et même quand ce n'est pas le cas. Pendant plusieurs mois on ne s'était parlé, j'avais besoin d'être seule, et elle avait toujours respecté ça.

"-Suis-moi, dis-je 

-Tu es sûre ? on n'a pas le droit  de passer par là ?!

-Tu es trop sage, lui dis-je, t'inquiètes pas, suis-moi, personne n'en sera rien ! Promis !"

En même temps que je lui parle, j'aperçois Chloé sortir de sa chambre. J'attrape Claire et me dépêche de la mettre dans la cage d'escalier. Je m'y jette également avant de fermer la porte sans un bruit. Ce simple geste m'a épuisé, je suis très affaiblie par les coups reçus et par le stress. 

"-Tout va bien Ana ? s'inquiète Claire 

-Oui...oui...oui...répétai-je de plus en plus bas. Oui, tout va bien ! Tout va très bien !" Concluais-je en avalant difficilement ma salive, les mains sur mes hanches et penchée pour reprendre ma respiration qui devient douloureuse et difficile.

Nous montons les marches dans le silence. Nos pas résonnent dans la cage d'escaliers. Enfin, la porte du toit se dresse devant nous. Je me tourne vers elle pour lui indiquer que nous sommes arrivées. 

J'ouvre la porte dans un grincement, je sors sur le toit et ferme la porte derrière Claire. Je m'avance de quelques pas et le vent me fouette le visage. Il fait doux et ce vent me rafraîchit tout en soulageant mes douleurs, tant mentales que physiques. Cette agression a rajouté des séquelles à celles déjà existantes de mon passé. 

Je l'invite à s'asseoir à côté de moi en tapotant de ma main le béton du toit. Elle s'assoit alors à mes côtés, enlève sa grosse écharpe et l'enroule autour de nous. L'écharpe en douce laine, aux couleurs reposantes, m'égaye. Je pose à terre, allongée, ma perche de cathéter pour éviter qu'elle me gène. 

"- Qu'est-ce qui t'es arrivé ? demande Claire, hésitante

-Je me suis faite agressée, dis-je 

-Mais, qui ... qui a fait ça ? C'était volontaire tu penses ? 

-Oui, je pense... j'avais l'impression que la personne m'attendait ... elle était en bas de mon immeuble, cachée... mais je n'ai aucune idée de qui cela peut être, mais il avait préparé son coup, car j'ai reçu du déodorant dans les yeux avant que l'on tente de m'étrangler... Je pense que c'est suffisant pour prouver que j'ai été victime d'un coup monté ... Mais, je n'ai aucune idée de qui ça pouvait-être, ni pourquoi la personne a fait ça ..."

Depuis le début de notre discussion, nous regardons toutes les deux devant nous, le regard vague et fatigué.

"On a essayé de m'étranglé ..." répétai-je dans un chuchotement qui trahit mon incompréhension et ma surprise toujours présentes.

Un moment de silence s'installe entre nous.

Je me tourne vers elle et lui demande :

"- Et toi, ça va ? 

-Oui, si on veut... répond-elle en me regardant à son tour 

-Pourquoi ? 

-Je me suis disputée avec les filles ... dit-elle en baissant la tête

-Mais pourquoi ça ? Vous étiez pourtant proches !

-Oh, ça oui ! Avec Karine on se connaît depuis la primaire ! Et en sixième on a rencontré Marie et Colline et  depuis nous étions inséparables !

-Qu'est-ce qui s'est passé alors ? 

-Elles disaient toutes que un jour tu es là, un jour tu n'es pas là, que tu profites de ta situation pour justifier ça, tes notes et ton côté "insociable" ...

-Mais, c'est insensé ! La coupai-je. Je passe des heures à réviser et de plus, elle ne savent rien de ma situation ! criai-je estomaquée, en me levant. Et j'ai certaines raisons d'être "insociable" !!" dis-je en imitant de mes doigts les guillemets dans l'air.

La colère me monte au joue. Je me sens rougir et je risque de perdre le contrôle. Elles n'ont aucun droit de juger si elles ne me connaissent pas ! 

Je sers mes poings le plus fort possible, à tel point que mes ongles, pourtant rongés, s'enfoncent dans la peau tendre de ma paume de main, mais je ne ressens aucune douleur. La seule douleur que je ressens est intérieur. Elle me ronge et me brûle .

"-Je sais, je sais, me dit-Claire en tirant sur mon bras pour que je me rassois et que je me calme. C'est ce que j'ai dit, mais... elles disent que tu m'as manipulé...

-Comment ça ?! 

-C'est la vérité, mais s'il-te-plaît, ne leur dit pas que je t'ai raconté et calme toi, par pitié ! 

-Promis " dis-je en m'adoucissant 

Mais une question me brûle les lèvres :

"-A-t-on remarqué mon absence ? 

-Oui, les filles, mais ça tu le  savais ... les professeurs qui étaient inquiets car tu n'as pas donné de nouvelles et que ta mère ne répondait pas au téléphone, puis il y a Alex aussi ...

-Alex ? m'étonnai-je 

-Oui oui, dit-elle, il s'inquiète beaucoup tu sais ! Je ne sais pas ce que tu lui a fait, mais tu comptes beaucoup à ses yeux ! dit-elle en souriant 

-Je l'ai peut-être manipulé !" concluais-je en riant.

Son rire si délicat accompagne rapidement le mien.

Nous restons encore un moment dehors, dans l'air frais d'un soir de printemps.

La nuit commence à tomber, silencieuse.

"-Il faut que je retourne dans ma chambre, dis-je, il ne faut pas que les infirmières remarquent mon absence !

-Oui, je comprends"me répond Claire

Nous nous levons, je redresse la perche de mon cathéter et nous prenons la direction de la porte.

Avant de fermer la porte, je me tourne encore et regarde ce paysage continu dont est entouré l'hôpital. Les lumières des lampadaires offrent un spectacle, comme des lucioles qui dansent.

Le toit, quand à lui, donne cette vue imprenable qui m'aide à sortir de mon malheur quelques minutes.

Sur le chemin du retour, je ne décroche mot, et Claire, à qui je commence à faire de plus en plus confiance mais que je ne peux considéré comme amie suite à mon passé, avance silencieusement. 

Je pousse la porte de ma chambre, Claire sur les talons.

L'infirmière, Elodie, m'attend en tapant du pied et en montrant mon téléphone avec les enregistrements...

"-Maman, je vais tout t'expliquer !" lance Claire.

Je la regarde bouche bée.

"-Ne te mêle pas de ça Claire ! réponds Elodie, très agressive, contrairement à d'habitude. Rentre à la maison !

-Mais...mais... je ne comprends plus rien ! Pourquoi me cache-t-on toujours la vérité ?! dis-je sous le choc.

-Claire, rentre à la maison ! continue sa mère, avec une autorité sèche en feignant ma question.

- Expliquez moi ! Je veux savoir ! criai-je 

-On verra ça plus tard , me dit Elodie, mais Claire, s'il te plaît, rentre tout de suite !! 

-Non, tu sais quoi Elodie, qu'elle reste là, c'est moi qui m'en vais ! Je n'ai rien à faire dans cet hôpital !! "

Je sors de la chambre en tapant des talons et en fermant la porte de ma chambre dans un claquement sourd.



Un passé accroché [ EN REECRITURE ]Where stories live. Discover now