Chapitre 14

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Enfin, enfin c'est la fin du premier trimestre ! Il y a une semaine, a eu lieu le conseil de classe et ce soir on a le rendez-vous parents/profs. Avec moi, on peut enlever le "s" de "parents" d'ailleurs... Ça me rend triste quand j'entends mes camarades de classe dire "Oh non ! Il faut les deux parents ? " "C'est ton père ou ta mère qui vient ? " ... 

Moi, c'est bien simple ; j'y vais avec ma mère. 

Nous attendons dans le couloir notre tour pour voir ma professeure d'arts plastiques. Elle nous invite à rentrer, et à nous asseoir sur deux chaises en face de la sienne. Elle garde toujours son long et beau sourire, pendu à son visage.

"-Votre fille est vraiment très douée pour le dessin et l'art en général d'ailleurs ! commence-t-elle

-Oui je suis d'accord avec vous, réponds ma mère, elle a toujours été passionnée par les arts !

- je ne dis mots -

-Il y a tout de même une chose dont je voudrais vous parler Mme.RENARD - elle sort mon dessin avec l'œil qui pleure -, je me suis inquiétée en voyant ce dessin car le thème était de dessiner nos sentiments... dit-elle en baissant la voix

-Ah oui, je vois , dit ma mère en saisissant le dessin délicatement et en l'analysant, les larmes aux yeux.

-Je ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas, mais je pensais nécessaire de vous montrer ce dessin car je ne pense pas qu'elle vous en ai parlé.

-Non, effectivement."

Ma mère et elle se serrent la main. Je peux lire dans les yeux de ma professeure de l'empathie pour ma mère, mais je me presse d'effacer cette image de la tête. 

Nous regagnons notre appartement en marchant le long des murs qui paraissent assez effrayants à la lumière des lampadaires. Un vent glacial nous suit jusqu'au hall de l'immeuble. 

Nous ne parlons pas et nous enfermons chacune dans notre chambre. 

Je pose mon manteau et ma grosse écharpe sur mon lit, attrape mon pyjama et vais dans ma salle de bain. Je me déshabille, me brosse les cheveux et allume l'eau. L'eau chaude pique mon corps frigorifié et je commence à devenir aussi rouge que du sang... du sang... 

"Ana, viens, fais moi confiance, on a passé un pacte ..."  Me dit la voix de Chloé. 

Je tombe, de frissons, accroupie dans la douche. Je ramène mes jambes vers mon ventre et pleure silencieusement dans mes mains.  L'eau encore allumée tombe sur mes épaules dénues et mes cheveux qui l'épongent. Je reste comme ça un bon moment. Une fois que ma crise et cette horrible vision sont passées, je me relève délicatement. Mes larmes restantes se perdent dans le flot de l'eau chaude provenant du pommeau, au-dessus de ma tête. 

Quand j'ai fini, j'attrape ma serviette et l'enroule autour de mon corps mouillé et avec une autre, sèche mes cheveux imbibés d'eau. De la buée s'est formée sur ma fenêtre, et mon miroir ; j'y dessine une clé de sol, avant de l'effacer d'un coup de main. Je regarde ensuite ruisseler les gouttes de la buée s'écraser sur le cadran en bois peint de la fenêtre.

J'enfile mon pyjama doucement, m'occupe de mon hygiène dentaire et retourne dans ma chambre. J'enlève mon manteau et mon écharpe du lit, pour les déplacer sur ma chaise de bureau. 

Je me faufile sous la couette et fixe mon plafond avant de tourner mon regard vers ma bibliothèque. J'y aperçois, entre deux livres que je n'ai jamais lus, une tranche de livre avec écrit "Ana" d'une calligraphie si délicate. Je sors de mon lit et vais l'attraper. Je caresse précautionneusement sa couverture marron où figure un ruban de dentelle qui se termine en nœud papillon. Tout en me redirigeant vers mon lit, je défais le nœud. Je m'allonge et ouvre le carnet, mon carnet secret. On peut lire sur la première page un questionnaire écrit par Chloé, auquel j'ai répondu, il y a de ça 3 ans :

"*Qui t'as offert ce livre ? 

Chloé, ma meilleure amie ! 

*En quelle occasion ? 

Mon anniversaire !

*Aimes-tu ce présent ? 

Beaucoup, beaucoup !

*Te confieras-tu à lui ?

Oui ! Je lui dirais absolument tout !

*Colle plusieurs photos de toi et ta meilleure amie sur la page d'à côté."

A peine ai-je lu la phrase que j'ai colle mes deux photos préférées où je figure avec Chloé. 

L'une où l'on pose de dos, un bras chacune dans le dos de l'autre et l'autre bras en l'air, formant un cœur au dessus de nos têtes. Sa chevelure blonde et ondulante tombe lâchement sur son dos couvert d'un polo rouge.

L'autre nous montre encore de dos -encore-  avec nos bras formant au-dessus de nos têtes le signe de l'infini.

Je n'ai pas touché à ce carnet depuis l'incident car c'était trop perturbant pour moi...

Je tourne délicatement la page jaunie et tombe sur mon seul écrit :

"         

10 Octobre

           A celui ou celle qui ouvre ce carnet à cette page, prépare tes larmes ! En effet, je vais raconter mon passé, qui est plutôt récent au moment où je le rédige. Ce passé qui en quelques mois seulement a fait basculer ma vie. (...)"

Je m'arrête immédiatement de lire. L'introduction est déjà trop difficile à avaler ! Je remarque d'ailleurs sur la page qui date de 2 mois environ, des traces de larmes. Je ferme subitement mon journal et reste immobile un long moment. Quand je sors de mes pensées, il est minuit. J'éteins ma lumière et me laisse bercer par les bruits de la ville, mon visage baigné dans les larmes mélangées  à la peur et la colère.





Un passé accroché [ EN REECRITURE ]Where stories live. Discover now