— Comme tu y vas, Tonneau ! Il m'arrive de donner un coup de main aux pêcheurs.

— Ouais, uniquement parce que t'en profites pour te garder un rêve ou deux sous le coude. Tout le monde le sait ici, c'est un secret de Polichinelle ! On ferme les yeux parce qu'on n'aimerait pas retrouver du poison dans nos gamelles.

Bien entendu, intoxiquer qui que ce soit ne viendrait jamais à l'idée de Roupillon, toutefois ça l'arrangeait bien que les autres le redoutent.

Tonneau passa aux suivants.

— Nos pêcheurs : Espadon, Narval, Merlan et Rascasse. Et enfin les matelots : Poil de Carotte et Binoclard. Quant à moi, je suis votre second. Voilà, maintenant, vous connaissez les gars.

Ophélia regarda ses hommes qui la dévisageaient, en attente d'une réaction de sa part.

— Oui, euh, bon, bafouilla-t-elle. Ravie de vous rencontrer.

D'un subtil coup de bec sur sa nuque, Zigomar l'encouragea à continuer.

— Euh, que chacun retourne à son poste, nous allons lever l'ancre.

Sans demander son reste, elle s'engouffra dans une pièce qu'elle devina être sa cabine personnelle, puis ferma à double tour derrière elle. Elle s'assit à même le sol, adossée à la porte, la tête entre les mains.

— Quelle catastrophe ! gémit-elle.

— Bof, ç'aurait pu être pire, lâcha Zigomar.

— Ah oui ?

— Ils auraient pu te balancer par-dessus bord. Les marins sont superstitieux.

— Et c'est censé me rassurer ? C'est perdu d'avance, comment diriger ces hommes s'ils ne m'aiment pas et me prennent pour une idiote ?

— Pas besoin d'être adulé pour diriger. Dans ton monde, tu apprécies ton patron, toi ?

— Pas vraiment, avoua la jeune fille.

— Tu vois ? C'est pareil.

— Mais ils ne me respectent même pas, pourquoi m'obéiraient-ils ?

— À toi de te faire respecter et de leur montrer qui commande.

Ophélia s'affala à plat ventre sur le lit, le visage enfoui dans l'oreiller.

— Che cherai pu simp' de ren'rer chez 'oi, marmonna-t-elle.

— Tu peux répéter, j'ai rien compris !

— Je disais, ce serait plus simple de rentrer chez moi.

— Allons, tu ne vas pas te dégonfler maintenant ! Tu es une grande fille, et le vieux Capitaine t'a choisie parce qu'il t'en juge capable. Alors, sors de là et va montrer à ces rustres de quoi tu te chauffes ! Aaaaah !

Zigomar se sentit brusquement tiré par la queue, et une fraction de seconde après, il se trouvait dans les bras d'Ophélia, blotti contre son cœur. Il sourit, non habitué à de pareilles effusions, et toussota, feignant de ne pas apprécier cette étreinte.

— Allez, ça suffit ! Tu me confonds avec cet énorme monstre qui se prélasse dans ta chambre.

— Tu parles de mon chat ? Il s'appelle Marcel.

— Peu importe.

Le poisson-perroquet se dégagea et gagna son perchoir, près du coffre où le vieil Alrisha avait l'habitude d'entreposer ses effets.

— Regarde là-dedans, dit-il en désignant la malle du bout de son aile. Tu devrais y dénicher de quoi te donner l'allure d'un vrai Capitaine des Rêves. L'habit ne fait pas le moine, selon le dicton, toutefois ça devrait t'aider à prendre confiance en toi.

Capitaine des RêvesDonde viven las historias. Descúbrelo ahora