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            Aujourd'hui j'ai tellement provoqué un type du lycée qu'il m'a enfoncé son poing dans la figure. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Il se vantait, il racontait comment il avait réussi à baiser une meuf en lui bourrant la gueule, cette salope elle était chaudasse. Je lui ai demandé s'il était fier d'avoir violé une fille pour le crier si fort. Et quand il m'a demandé de la fermer j'ai continué.

- Alors ça fait quoi d'être un violeur alors que tu n'as même pas dix-huit ans ?

- Putain mais la ferme espèce de connard, je l'ai pas violé.

- Tu l'as fait boire et tu as couché avec elle alors qu'elle était saoule, c'est un viol.

- N'importe quoi espèce de taré elle le voulait cette salope je te dis qu'elle le voulait.

- Alors pourquoi la faire boire ?

- Mais ferme ta gueule où je vais te cogner !

- Tu peux me frapper, tu seras toujours un violeur et tu devrais arrêter de t'en vanter.

Et il m'a frappé.

Ça m'a fait du bien.

Pas lui. Parce qu'il savait que j'avais raison, ça fait mal d'être un violeur, alors on préfère se dire que l'autre est un connard, la fille une salope et qu'elle était consentante d'abord.

Maintenant j'ai un œil au beurre noir. Ça fait assez mal, mais la douleur je connais et celle là ça fait rien à côté de l'autre, celle à l'intérieur.

Je me regarde dans le miroir. Mon œil est quasiment fermé, pas grave, l'autre est grand ouvert. Ça fait bizarre ce rouge foncé, noir, ça me donne des couleurs. Ça me change. Parce que j'ai rien du chocolat, ou alors du chocolat blanc. Je suis pâle, j'ai des yeux bleus presque translucides, les cheveux blonds et j'ai beau les laisser pousser jusqu'aux épaules, ils ne me donnent pas plus de couleurs. Alors ce cocard tout à coup, ça me colorie. Je devrais continuer à me faire taper dessus, je deviendrais comme un album de coloriage. Les coups serviraient de crayons.

L'idée me fait sourire, et je remarque que même ma bouche toute fine est rose pâle. Je prends le rouge à lèvre le plus foncé de ma mère et je m'en étale bien comme il faut, ça dépasse de partout. Le rouge à lèvre peut aussi servir de crayon, évidemment.

Je m'admire dans le miroir, j'ai étalé le rouge à lèvre me faisant un sourire, qui ressemble peut-être un peu à celui du Joker. Ça me plait assez. Cocard et sourire morbide.

Je vais manger comme ça le soir. Mes deux parents sont là. Aucun des deux ne me fait de remarque. Faut dire qu'ils ne prennent même pas le temps de me regarder. 

Le goût amer du chocolatWhere stories live. Discover now