53. Des papillons à tuer

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Si Mattéo est surpris de me trouver là, il n'en laisse rien paraître. Il se contente de pousser un long soupir en s'asseyant juste à côté de moi, en silence.

Pendant quelques instants, j'ai presque l'impression que rien n'a changé, que nous sommes toujours amis et que rien ne s'est passé.

Comme si je ne lui avais pas déclaré mes sentiments, comme s'il ne m'avait pas mis un râteau, comme si je ne lui avais pas dit des mots odieux, comme si je n'avais pas appris qu'il était gay, comme si je ne l'avais pas frappé...

A cette dernière pensée, mes yeux s'emplissent de larmes en même temps que mes poings se serrent. S'il était possible de tout effacer, de revenir en arrière, de remonter le temps...

Sauf que c'est impossible.

Inutile de rêvasser, Nathalie. Affronte la réalité ici et maintenant.

— A-Alors..., je bredouille. Q-Quel est le verdict ?

Il me lance un regard en coin avant de répondre :

— Trois jours d'exclusion, ils ont appelé ma mère pour qu'elle vienne me chercher. Et toi, ça va ? Rien de cassé ?

— N-Non... Plus de peur que de mal...

— Tant mieux..., soupire-t-il. Tu m'en vois soulagé.

Un silence s'installe à nouveau entre nous. Le délégué appuie son crâne contre le mur, tête levée en direction du plafond, paupières closes.

Je ne peux m'empêcher de lorgner sa gorge ainsi mise à nue, et sens d'emblée mes petits papillons virevolter à nouveau à l'intérieur de mon bas-ventre. Enfin, jusqu'à ce que je me souvienne que mes chances avec lui avoisinent zéro.

Pff, c'est injuste qu'un mec aussi mignon soit gay, quand même, je me dis en poussant un long soupir.

Sentant que je le dévisage, le concerné ouvre un oeil puis me demande :

— Pourquoi tu soupires ?

— Pour rien, je mens en esquivant son regard afin de dissimuler mon teint cramoisi.

— Tu vas éviter de me regarder jusqu'à la fin des temps ?

— P-Peut-être. J'ai des papillons à tuer.

— Hein ?

Après une grande inspiration, je lâche d'une traite :

— Je suis désolée de t'avoir frappé. Et griffé. Et d'avoir été odieuse.

M'étranglant sur le dernier mot, je me cache le visage entre les mains, ne pouvant plus contenir mes sanglots.

— Nat..., commence-t-il.

— Laisse... moi... finir, je le coupe. S'il te plaît...

J'essuie mes larmes d'un revers de manche, remplis mes poumons d'air dans le but de me calmer avant de reprendre :

— Je me suis sentie trahie, Mattéo. Pourquoi tu m'as pas dit la vérité ? T'as bien dû réaliser que je craquais pour toi, non ? Tu m'as laissée me faire de faux espoirs, pire, j'ai même été jusqu'à te déclarer mes sentiments... Subir l'humiliation d'un râteau... Tu réalises à quel point c'était horrible ?

Le délégué se masse le front, tandis que sa jambe droite se met à tressauter sans s'arrêter, signe de sa nervosité. Il ouvre la bouche afin de répondre sauf que je l'interromps :

— Attend, j'ai pas terminé. Je... Je sais pas quelle vision t'as de moi, mais je suis pas homophobe. Je t'aurais pas rejeté ou quoique ce soit d'autre, tu sais. J'aurais préféré que tu sois honnête dès le début...

Banale !Where stories live. Discover now