34. Boulalie

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Au cours des semaines qui suivent, Marjorie et moi continuons les séances de jogging, augmentant leur fréquence à deux par semaine. Or, je dois admettre que la harpie avait quelque peu raison dans son discours ; loin d'être devenue la nouvelle Usain Bolt, disons simplement qu'après plusieurs entraînements, je n'éprouve plus cette horrible sensation de m'étouffer avec ma propre salive.

Mon rythme est toujours celui d'une tortue, mais je m'essouffle moins vite et parviens à courir davantage. A force de faire des étirements, j'ai également légèrement gagné en souplesse, et commence même à ressentir les effets de ces footings matinaux au quotidien.

Par exemple, j'halète moins en montant les escaliers ; ma cadence de marche a elle aussi augmenté, sans parler du fait que j'ai gagné quelques secondes sur mon record au 4x500 mètres (vous savez, ce sport sorti tout droit du Purgatoire !).

S'ajoutent à ces entraînements hebdomadaires un régime strict et équilibré orchestré par Marjorie en personne. Cette dernière supervise scrupuleusement ce que je mange à l'aide d'une application comptant les calories, sur laquelle je dois répertorier tous les aliments ingurgités, soit manuellement soit en scannant leur code-barre.

La harpie m'a imposée une première pesée quand on a débuté l'entraînement, histoire de voir d'où je partais, puis m'a intimée d'en refaire une d'ici trois semaines. Or, il se trouve que le jour fatidique est finalement arrivé en ce deuxième lundi de décembre.

J'avale ma salive, ressentant malgré moi une légère appréhension avant de monter sur la balance. Il faut dire qu'historiquement, les pèse-personnes n'ont jamais été mes amis. Lors de la précédente pesée, j'atteignais soixante kilos et huit cent gramme. Je sais que ça ne paraît pas énorme, cela dit proportionnellement à mon petit mètre cinquante-deux, ça l'est.

Aujourd'hui, j'ai bel espoir de passer en dessous de la barre des soixante. Même si la balance venait à m'afficher cinquante-neuf kilos et neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf grammes, je serais aux anges !

Au fond de moi, je sais que je n'ai rien à craindre ! Je veux dire, après tout, j'ai été particulièrement vigilante niveau nourriture ce mois-ci ; ajoutons à cela ma routine d'exercice physique qui a été multipliée par dix, je ne peux qu'avoir perdu du poids ! D'ailleurs certains de mes jeans me vont légèrement plus grand qu'auparavant, j'en suis presque sûre...

Trois coups frappés à la porte de la salle de bain me font sursauter.

— Lalie, est-ce que ça va ? me demande ma mère de l'autre côté. Ça fait un moment que t'es là-dedans...

— Magne ton gros cul, bordel ! l'interrompt furieusement mon frère en tambourinant tel un forcené.

— Fichez-moi la paix ! je vocifère. En tant que jeune fille en pleine puberté, j'ai le droit de disposer de la salle de bain autant que je veux !

— Bon sang, t'es vraiment chiante depuis que t'as décidé de devenir jolie, tu sais ? s'énerve Vincent. Je préférais la Nathalie moche et timide, elle était marrante, elle, au moins !

Sur ces mots, je l'entends s'éloigner en tapant des pieds, ce qui m'arrache un soupir de soulagement. J'attends que les palpitations de mon coeur ralentissent puis, après une ultime inspiration, monte sur la balance.

Celle-ci semble hésiter dix plombes avant de me donner un résultat, comme si elle ne parvenait pas à se mettre d'accord sur le nombre exact, mais au bout d'un moment, celui-ci finit par s'afficher sur l'écran.

"61.500"

J'écarquille grand les yeux de stupeur.

Quoi, sérieusement ? Après tous les efforts fournis... J'ai pris sept cent grammes ? Mais comment c'est possible ?

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant