Leng Shidai

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Il dut fournir un effort pour se reprendre et se rappeler que, grâce à ce qin, la chute de Zhu Qianbing viendrait en temps et en heure. Malgré la colère qui le prit à la gorge, il livra cette révélation nécessaire à ses desseins :

— Que fait la troisième princesse de Jing ici, frère Qianbing ? l'interrogea-t-il d'un ton plus sec qu'il ne l'aurait souhaité.

— À vous de me le dire, frère Shidai, répliqua son cadet d'une voix égale.

L'interpellé luttait pour garder son calme. Il observa Mei obéir au geste de l'immortel l'intimant de revenir vers lui.

— La troisième princesse de Jing... ?

Laquelle jeta un regard assassin à Zhu Qianbing, ce qui réjouit secrètement Shidai.

— Vous m'avez demandé mon nom, maître Bing, pas mon rang, lui rappela-t-elle avec tout le mordant qui la caractérisait en crachant le dernier mot.

— Est-ce toi qui as joué de la cithare d'An Guang ? demanda Qianbing à son élève.

— Non, mentit-elle avec aplomb, adoptant avec brio un air innocent comme Shidai l'en savait capable.

— Si, démentit-il. Je l'ai vue et entendue.

Leur maître arrondit un bref instant les yeux quand au contraire son condisciple resta imperturbable.

— Pourquoi as-tu la troisième princesse comme élève ? N'as-tu pas des devoirs plus pressants ? insista-t-il.

Sur le moment, il regretta ses paroles. Il savait combien la petite fleur souffrait de son insignifiance, surtout depuis que Lanyue avait sombré dans la démence. Hongmei était la princesse de trop. L'inutile. Celle dont l'existence ne relevait d'aucune importance. Celle dont la naissance était dite responsable du déclin de la Reine.

Ce regret ne fut pourtant que passager : il était indispensable que Zhu Qianbing se justifiât. Sans quoi Mei ne resterait pas son apprentie.

Il sentit sur lui le regard déçu et blessé de l'enfant et se força à l'ignorer. Elle n'était qu'un pion, le sien, se répéta-t-il. Un pion empoisonné qu'il devait remettre aux mains de l'ennemi.

— Il se trouve que cette enfant est victime d'un condisciple corrompu qui la maltraite et se justifie en tordant à son avantage les principes de la Voie, révéla ce dernier tourné vers leur maître.

— Hum... Fâcheux en effet, murmura-t-il tout en lissant sa longue barbe entre ses doigts parcheminés.

Shidai se détendit devant la réaction de leur mentor, car cette discussion se transformait en formalité.

— C'est une affaire de la plus haute importance pour notre secte et la sécurité du royaume, argumenta Zhu Qianbing. Puisqu'il s'agit d'une princesse, le magicien déviant ne peut officier qu'au sein du palais royal. Qu'il se transforme en démon et la famille royale est perdue. Si le sang des Xue s'éteint, les pêchers suivront et le peuple périra à son tour.

— C'est juste, renchérit Shidai. La Reine, la princesse héritière et la princesse Heiling ne connaissent aucune des techniques d'exorcisme avancées nécessaires contre un démon puisque tel n'est pas leur rôle. Si ce déviant se transforme avant d'être identifié et capturé, il les massacrera. Hongmei deviendrait la seule apte à garantir la pérennité des pêchers de l'immortalité. Il est de notre devoir d'assurer sa sécurité ainsi que son éducation.

— Une garantie de survie dissimulée en plus de celle trop évidente qu'est la deuxième princesse... reformula le Grand Maître en acquiesçant.

La mélodie du lotus et de la fleur de prunier - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant