L'intransigeance de Mei

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Lorsque la fillette n'eut plus de larmes à donner, épuisée, elle regarda autour d'elle. La statue gigantesque et inaltérée du dieu An Guang l'éclaira sur l'endroit où ils se trouvaient. Elle se rappelait ce lieu : elle y avait dormi peu après son départ du palais. C'était avant qu'elle ne rencontre l'immortel. Ils devaient se trouver juste à l'extérieur de la capitale.

Elle réalisa qu'elle aussi avait regagné son corps et ses vêtements d'enfant, ainsi que ses yeux et ses cheveux noirs.

— Sijin, gémit-elle de sa gorge trop serrée.

Que devaient-ils faire ? Le magicien était très gravement blessé. Il y avait tellement de sang... Est-ce qu'il allait mourir à cause d'elle ? Même s'il la traitait comme son jouet, même si cela avait été contre son gré, il avait risqué sa vie pour sauver la sienne...

Mei se mordit la lèvre inférieure. Son index enroulait inlassablement l'une de ses mèches redevenues sombres.

La peur et la culpabilité menacèrent de l'écraser, pourtant, moins encore que la rancœur qu'elle éprouvait. Pourquoi briser son cœur était si anodin pour eux tous ?

— Sijin... Est-ce qu'il va mourir ? chuchota-t-elle.

— Si l'on n'essaye pas de le soigner, oui, souffla le jeune garçon d'une voix douce.

La petite fille serra les poings sous la colère et la frustration qu'elle ressentait. Pourquoi devrait-elle le sauver alors qu'il lui mentait et qu'il lui brisait le cœur comme s'il s'agissait de lancer une boule de neige ? Elle n'était qu'un pion pour lui, rien de plus.

Elle n'était rien pour eux tous ! Pourquoi devrait-elle leur donner de l'importance ? Elle venait déjà de gagner leur pari !

Mais comment pourrait-elle ne pas le sauver ? Si elle restait sans bouger, ce serait le tuer. Le tuer et ne pas valoir mieux que lui. Être pire que lui. Perdre.

Sijin fit les frais de cette rancœur débordante :

— Tu pourrais le dire plus gentiment ! lui reprocha-t-elle d'un ton vif.

— À quoi ça nous avancerait ? riposta-t-il en levant les mains d'impuissance.

Non ! Elle devait confirmer sa victoire ! Elle ne pouvait pas laisser Zhu Qianbing mourir ! Si elle le laissait périr, elle ne vaudrait pas mieux que ce menteur sans cœur ! Elle ne serait pas comme eux !

Sa décision prise, elle inspira profondément. Provoquer une tempête de neige n'allait pas sauver la vie de leur maître.

Après quelques lentes respirations, elle se reprit et fouilla du regard ce qui l'entourait, mais sauf des meubles de glace et quelques tissus déchirés, il n'y avait rien d'utile.

— Tu parles d'un royaume ! À part des pêchers magiques et de la neige, il n'y a rien ! pesta-t-elle.

La fillette glapit soudain à ses propres mots et se leva. Elle allait trouver un pêcher vite et bien !

— Suis-moi !

Le jeune garçon n'eut pas le temps de protester, car déjà Mei se métamorphosait en flocon de neige et quittait le temple, usant cette fois délibérément de sa technique pour gagner du temps. Dehors, elle prit de l'altitude et vola aux alentours, Sijin auprès d'elle.

Si ses souvenirs étaient bons, non loin se trouvait un petit village. Les deux jeunes gens s'y rendirent.

Elle reprit forme humaine à proximité du premier pêcher qu'elle croisa. Il appartenait à une famille pauvre à en juger par le peu d'offrandes superstitieuses qui lui étaient faites.

La mélodie du lotus et de la fleur de prunier - 1Where stories live. Discover now