CHAPITRE 5

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20h. De retour dans la voiture, direction la fête. Même si on a bien parlé en mangeant et que je suis à peu près rassurée, je redoute toujours un peu le moment où on y sera. Il le voit. Évidemment qu’il le voit.

- On va faire un petit détour si tu permets. Il y a un endroit que je voudrais te montrer.

Tout ce qui pourrait retarder le moment où on arrivera chez son ami. On roule dans la direction opposée à celle qu’on était en train d’emprunter, pour arriver au bout de quelques minutes, près d’une jetée déserte. Tout compte fait il ne pouvait pas choisir pire endroit. Il détache sa ceinture pour sortir, mais remarque très vite que moi je ne bouge pas. Je ne fais que fixer le long pont qui traverse la mer.

- Tu viens ?
- Je…
- Quoi ?
- Je ne suis pas fan des ponts.
- Tu as peur ?
- Non !

Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Il est stupide ou quoi ?

- Non j’ai juste…je n’aime pas les ponts c’est tout.
- Pourquoi ?
- J’en sais rien, j’ai toujours été comme ça. Je suppose que je m’attends à ce qu’ils s’effondrent sous mes pieds.
- Celui-là ne s’effondrera pas. Viens.

Il sort de la voiture sans me laisser protester. Si je ne le tue pas un jour, c’est lui qui aura ma peau. Il s’éloigne de la voiture pour aller sur la structure en bois parfaitement bien éclairée par des petites lumières accrochées au sol tout du long. Mon voisin se tourne vers moi une fois sur le pont, et se met à sauter comme un idiot. Heureusement qu’il n’y a personne dans les parages, ils appelleraient tout de suite la police en le prenant pour un fou dangereux échappé de l’asile. Je le vois me faire de grands signes à la lumière d’un lampadaire braqué sur lui. Il agite ses mains dans les airs, continue de sauter, et je parviens même à entendre quelques mots étouffés sortir de sa bouche. Il est tellement ridicule que j’explose de rire rapidement. Bon d’accord, ce pont est solide, je le sais, je devrais le savoir. Et puis merde, on ne vit qu’une fois après tout ! Je sors de la voiture pour aller le rejoindre, en restant tout de même sur la terre ferme. Une ligne nous sépare, une ligne que je ne veux pas franchir. Reed me tend sa main avec bienveillance.

- Tu as confiance en moi ?
- Absolument pas, Aladdin.

Ma référence l’amuse tandis qu’il fait un pas vers moi. Un seul pas, qui lui fait traverser la ligne de séparation.

- J’ai assez confiance en moi-même pour deux. Alors ça devrait aller.
- Tu sors souvent ça aux filles pour les séduire ?

Il sourit encore plus que tout à l’heure dans le restaurant.

- Avery demande le moi directement si tu veux tant savoir.
- Demander quoi ?

Il s’éloigne les mains croisées dans le dos, en regardant le ciel avec insouciance.

- Tu veux savoir si j’ai une copine.

Non mais…cette fois je n’y avais même pas songé ! Je m’approche de lui prête à lui dire ses quatre vérités. Et optionnellement, à le frapper. Très fort.

- Reed Ingram espèce de crétin je n’ai jamais dit que ça m’intéressait de le savoir ! Alors arrête de remettre ça sur le plateau parce que je me fiche totalement de qui tu vois. Je suis ta voisine, et je resterai ta voisine, ça ne sert à rien de jouer à tes petits jeux absurdes pour essayer de m’attirer dans tes filets, parce que comme je te l’ai déjà dit, je ne tomberai pas dedans ! Jamais !

Son sourire satisfait reste scotché sur ses lèvres, et doucement, il me fait signe de regarder en bas. Je ne comprends que lorsque je le fais, et que je vois les planches de bois sous mes pieds. J’ai passé la ligne, je suis sur le pont. Sans même m’en rendre compte. Je suis sur un pont. Il y a quelques secondes, j’étais furieuse et je n’arrêtais pas de bouger, mais maintenant je suis paralysée. Je lève très lentement la tête vers Reed.

Salut Voisine !Where stories live. Discover now