37. Se conjuguer au pluriel, en tout temps

Start from the beginning
                                    

— Joyeuse majorité, mon ange, souhaita-t-il en embrassant son nombril. Puisse chaque heure de cette année t'être agréable, aimable et puisse cette nuit ne jamais s’achever.

— Joyeux, joyeux, joyeux anniversaire, peina-t-elle à assimiler. Premier janvier, nous sommes le premier janvier, c'est mon anniversaire. Oh Ethan, ce serait le meilleur des présents. Présent cadeau et... hmm, présent temps.

Au beau milieu du morne hiver, je gémissais à la place du vent glacial, la terre n’était dure comme le fer que pour supporter le poids de nos corps superposés, et l'eau tombant par-delà la fenêtre, comparable à une pierre, sonnait à mon oreille comme la plus douce des prières. Les sentiments étaient tombés, un sentiment après l'autre ; un sentiment après l'autre, au beau milieu du morne hiver.

Les besoins épicuriens un peu curieux me faisaient oublier ce couplet que je connaissais pourtant si justement. Au beau milieu du morne hiver, le vent glacial gémissait, la terre restait dure comme le fer, l'eau comme une pierre, la neige était tombée, une neige après l'autre, une neige après l'autre, au beau milieu du morne hiver.

En cette nuit qui liait nouvelle année et anniversaire, on sex'pliquait un peu. On sex'primait beaucoup, sans trop dire de mots. On sex'plorait passionnément, sans trop prendre de risques. On sex'altait à la folie, oh ça oui. On avait fait notre choix : se croquer les lèvres, quitte à s'en mordre un doigt, ou deux, ou dix, ou vingt. Tout cela n'importait plus. Si les jeux de reins étaient jeux de vilains, et les jeux de mains des jeux de malins, nous ne rebrousserions chemin qu'au petit matin.

Une douce heure contre lui, une douceur avec lui. À moins que ce n'ait été une douceur contre lui et une douce heure avec lui. La soirée passée, la pudeur nous avait fait recouvrir nos corps. Certainement dans le but de les protéger du regard désireux que lui portait l'autre, de la quintessence même d'une concupiscence qui s'était déjà jouée et déjouée de nous. Qui ne craignait pas Cupidon lorsque celui-ci s’alliait avec le diable ?

— Touché, souffla-t-il en regardant le plafond, la tête d’Elizabeth nichée au creux de son épaule.

— Coulé ?

— Enamouré.

— Agnagnagna. 

— Scrogneugneu, que je m’empresserais de vous répondre, mon ange, caressa-t-il ses cheveux désormais désordonnés.

— Quel malchange, Cupidon a perdu son plus bel ange, prononça-t-elle en passant le dos d’un index sur l’arrête de son nez qu’elle aimait admirer de profil.

— Double malchange, alors, il semblerait qu'il en ait perdu deux. Tu te diras déchue et je m’en montrerai déçu, mais anges ou archanges, nos phalanges entrecroisées, voilà que je compte couvrir de mille louanges son ange préféré. Tu es sous mon aile, ne l'oublie pas, jeune et jolie mésange. Signe, petit cygne, sourit-il en dessinant au-dessus de la tête de la jeune fille un invisible halo, avant de glisser une main délicate sous son dos chaud, à la recherche d’un point précis, entre ses deux omoplates. Ici, juste ici, il y a une paire d’ailes que tu ne vois pas, doux ange.

— Je commence à les voir, tu ne le sais juste pas encore. 

Une nouvelle étreinte naquit. Plus protectrice, moins séductrice. Nous venions de tourner un film, un film d'amour. Mais quels jeunes producteurs et novices acteurs n’ont jamais connus de bavures ? Cette nuit, nous avons connu et essuyé de belles ratures. Des tas et des tas de ratures. Des reprises. De nouvelles ratures. Des gestes un peu gauches ici, d'autres bien plus adroits juste là. Des erreurs de répliques, des pensées qui ne faisaient pas partie du script originel. Des rires qui ont jailli de l’obscurité, des mots que l’on a du étouffer et même des dents qui ont claqué en parfaite impunité.

Rendez-vous salle 209 Where stories live. Discover now