44. À mon âme-soeur

112 13 10
                                    

“Si tu savais combien je t'aime, combien tu es nécessaire à ma vie, tu n'oserais pas t'absenter un seul moment, tu resterais toujours auprès de moi, ton cœur contre mon cœur, ton âme contre mon âme.”

Victor Hugo

Très cher inconnu, que j’ai à présent l’immense joie de connaître et d’aimer ; au cours de ces derniers mois, bons nombres de missives et de tentatives à la poésie ont été échangées entre vous et moi. Par amour. Aussi, ne pensez pas que cela soit l’une d’entre elles. Parce que si ces dernières auront, je l’espère, réchauffé votre cœur et vous auront confortés quant à mes sentiments, celle-ci risque de vous meurtrir et de vous confronter à vos pires craintes. Pardonnez-moi pour cela.

À vrai dire, pardonnez-moi pour tout. Pour les pleurs et les crises, les affronts et les rejets, l’inquiétude constante et les affolements plus éprouvants les uns que les autres. Sachez seulement que je vous aime, que vous avez été le premier et que vous serez pour toujours le dernier. Juste comme je vous l’ai dit le soir où je me suis abandonné à vous.

Ce cinq juin, après être passé à chacun des endroits où nous nous sommes aimés, devant le portail de Wingley où vous regarderez notre chère et chérie salle 209 un sourire candide au bords des lèvres, à la roseraie où nous nous sommes embrassés, ou bien encore sur Capald Hill, devant le Shake’s Pear où vous m’avez il y a une éternité déjà, fait danser, rendez-vous à la clairière où je vous ai promis de me rendre un jour.

« Lorsque je serais prête » n’ai-je pas cessé de vous répéter ; « Un jour ».
Grande nouvelle, nous y sommes. Vous vivez ce jour.

Habillez-vous de mes vêtements préférés, venez avec vos meilleurs vers et des souvenirs à ne plus savoir qu’en faire. Face à mon cercueil, pleurez si l’envie vous en prend. Personne ne vous regardera, je vous le promets.

Mis à part peut-être un fantôme ou deux.

Enfin je suis en paix, et porte un œil nouveau sur ce qui m’entoure, la vie, la mort, le passé, le futur, vous, moi, l’amour, l’amitié, Lou, les plaisirs et les déplaisirs, John, la famille, la mienne, la vôtre, la nôtre, le ciel bleu, l’herbe verte, le paradis dont vous êtes tombés et les enfers dont je me relève.

Vous savez, pas un seul jour ne passe sans que je ne songe à la légende du Père Raphaël que je vous ai conté, bel ange. Je vais bien, je vous le promets. Si vous désirez terminer Rendez-vous salle 209, rendez-vous à quinze heures quinze au cœur de ce bois. Vous y trouverez nos dernières pages. Elles devraient, je vous le promets, émouvoir le lectorat.

Votre rose vient tout juste d’éclore et il est temps pour elle d’entendre certains adieux. Vous comprendrez bien vite.

Je vous aime, pour au moins deux-cent neuf années lumières. Elizabeth, arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petite-fille de Madame de Pompadour, follement amoureuse de l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils de Giacomo Casanova. 

Post Scriptum :  Nous ne sommes pas seuls. Jamais. Pour preuve, je citerai Oscar Wilde et ferai appel au Portrait de Dorian Gray ; ‘J’ai appris à aimer le secret. Il me semble que c’est la seule chose qui puisse nous faire la vie moderne mystérieuse ou merveilleuse. La plus commune des chose nous paraît lorsque l’on nous la cache’. J’ai appris à aimer le secret, bel inconnu.

J’aimerai aussi écrire qu’Héloïse n’avait que seize ans, lorsqu’elle est tombée amoureuse d’Abélard. Et qu’Abélard, professeur réfléchi, s’est vu lui aussi tomber pour Héloïse. Cela ne vous rappellerait-il pas quelqu’un ? Un homme, et une femme, qui luttent, en vain ? Soit, je vous en dresserai une liste non-exhaustive ; Harry et Nola, le Père Ralph et Meggie, Roméo et Juliette, Odette et Siegfried, Albrecht et Giselle, le Docteur et River Song, Aladdin et Jasmine, Peter et Wendy, et, si j’osais, vous et moi. Nous ne faisons que reproduire l’histoire. Non, nous ne faisons pas que la reproduire, nous la réécrivons. 

Et si la plupart finissent tragiquement, à commencer par celle d’Héloïse et d’Abélard qui, une fois mariés, durent se séparer sous la menace de la mort et qui, toute leur vie, se sont écrit de brûlantes lettres d’amour avant qu’Abélard ne périsse et ne soit amené aux côtés de feu sa bien-aimée pour que, dans le repos éternel, jamais ils ne cessent de s’aimer, laissez-moi vous dire que la nôtre finit bien. Je m’opposerai aux Dieux et aux Cieux, pour m’en assurer. 

Vous serez le Harry de ma Nola, vous m’apprendrez à aimer ; le Père Ralph de ma Meggie, vous m’apprendrez à espérer ; le Roméo de ma Juliette, vous m’apprendrez à m'émanciper ; le Siegfried de mon Odette, vous me rappellerez de m’accrocher à mon humanité ; le Docteur de ma River, vous me ferez voyager et je vous regarderai vieillir ; l’Aladdin de ma Jasmine, vous ne cesserez de voler mon cœur ; et le Peter de ma Wendy, nous refuserons de grandir.

Le seul que je me refuse à vous voir devenir est l’Albrecht de ma Giselle. Je refuse à ce que vous vous épuisiez pour moi. Si les choses se compliquent, vous partez, un point c’est tout. Je ne saurai vous aimer en sachant être la source d’une quelconque souffrance. 
Oui, nous serons tout cela, mais nous le serons en mieux, car nous serons vous et moi. Le Casanova d’une Madame de Pompadour.

Vous-même l’avez dit, Morgan Morganera et à ses côtés, Kwats Kwatsera. Ce n’est pas moi, ce n’est pas vous, c’est bien plus grand, c’est la prophétie, c’est l’indicible, c’est notre destinée, quelque chose de froid, quelque chose de chaud, quelque chose de beau, quelque chose de laid, quelque chose d’excitant, quelque chose d’effrayant, quelque chose en somme qui nous vient des étoiles. Ce n’est pas vous, ce n’est pas moi, c’est juste nous.

Agnagnagna, 
Votre française et fille du bar, Lizzie.

Rendez-vous salle 209 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant