21- Cassidy

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Je me réveille lovée dans les bras de Lisa. Je viens de passer la meilleure nuit depuis deux ans. Au moins 5h de sommeil d'une traite, ce n'était jamais arrivé depuis « l'incident ». Je me recule un peu pour la regarder. Elle a l'air paisible dans le monde des rêves. Le soleil levant vient illuminer sa peau, sa peau si douce... J'aurais envie de rester là, de ne plus jamais ressortir de cette chambre, rester juste comme ça, à écouter sa respiration régulière.

Mais je sais qu'il va falloir affronter la réalité. Tout d'abord, celle de ma gueule de bois. Mon crâne semble serré dans un étaux à la limite de la rupture. Ensuite, je ne sais même pas chez qui on est, il faut que je descende avant que la mère de Carmen vienne nous chercher. À vrai dire, je sais déjà que je vais rentrer à pieds. J'ai besoin de marcher, de réfléchir, à ce que j'ai fait, à ce que je veux, à ce que je vais devoir faire.

C'était une mauvaise idée. Je n'aurais jamais dû l'embrasser, et encore moins l'allonger sur le lit... J'étais déboussolée, à la limite de la crise d'angoisse, et elle était là, douce, jolie, et amoureuse de moi. J'ai profité d'elle comme un mec l'aurait fait. Je suis un monstre.

Je me sépare doucement de son corps et me rhabille sans un bruit avant de quitter la chambre à pas feutrés. Je prend tout de même le soins de remonter la couverture sur elle avant de quitter la pièce. Il est hors de question que qui que ce soit ait la chance de voir ce qu'elle m'a laissé voir hier.

Je ferme la porte délicatement, pour ne réveiller personne. Je suis à peu près certaine que je portais un soutient gorge hier. Tan pis, je ne peux pas prendre le risque de retourner dans la chambre. Ça la réveillerait, elle voudrait une explication, ou pire, une conversation. Je ne peux pas, je ne suis pas apte, là, tout de suite, avec mon mal de tête et mon coeur lourd, à peser mes mots pour expliquer à quelqu'un d'extraordinaire que je suis une véritable plaie.

Je descend les escaliers sur la pointe des pieds. Un tas de lycéens endormis traine dans les coins. Des cadavres, éparpillés dans toute la pièce, jonchent le sol. Comment vais-je pouvoir retrouver Carmen parmi tous ces corps inertes? J'aperçois Leah endormie dans les bras du bassiste du groupe sur un canapé. Un peu plus loin, dans la cuisine, Damian dort contre un mur, la tête sur l'épaule du gars au blouson rouge qui regardait avec insistance les fesses de Lisa hier soir. Et enfin, dans le couloir des toilettes, je vois Carmen allongées aux côté d'Eliott qui la sert contre lui. Ils sont tellement mignons, je n'ai pas le coeur de les réveillées pour me plaindre de moi même.

Je griffonne un mot sur un bout de papier:

Je rentre à pieds, je vais bien, zoux, Cass.

Et le glisse dans la main de Carmen. Elle ronchonne un peu quand je bouge ses doigts mais se rendort d'un sommeil de plomb.

J'enfile ma veste et sors dans le brouillard hivernal. L'air, froid et humide, viens me fouetter le visage, comme pour me reprocher d'avoir quitter le cocon chaud que m'offrait les bras de Lisa. Je laisse mon corps frissonner avant de plonger tête baissée dans la bruine. Je n'arrive pas à émerger. Je flotte dix centimètres à côté de mes chaussures. Je n'arrive pas à intégrer les événements d'hier soir, de comprendre ce qu'ils signifiaient ou s'ils signifiaient quelque chose. Je suis dans le brouillard, au sens propre.

En entrant chez moi, ma mère me regarde bizarrement. Je la connais assez bien pour comprendre qu'elle essaie de déterminer ce qu'il s'est passé et si, oui ou non, c'était une bonne chose. Je fuis dans la salle de bain. J'aurais dû lui dire quoi? « Maman, j'ai fait l'amour avec une fille amoureuse de moi » elle m'aurait répondu « Et toi, tu l'aimes? » et j'aurais été incapable de lui répondre.

Je me tourne vers le miroir, j'ai une tête à faire peur. Mon maquillage a coulé sur mes joues, mes cheveux sont en vrac, mon coeur en miette. Je fixe ce reflet que je ne reconnais pas. Je me suis longtemps détestée. J'ai longtemps cru que c'était ma faute, tout ce qu'il m'était arrivé. Que si Marc avait profité de moi, c'était parce que j'avais dû faire quelque chose de mal.

Marc.

Je n'avais jamais réussi à prononcer ce nom depuis 2 ans. Même pas en pensée. Le docteur Miles pourrait être fière de moi. C'est lui qui m'a appris à ne pas croire ses choses là, qui m'a fait comprendre que ce n'était pas vrai, que c'était Marc le méchant.

Mais aujourd'hui, quand je me regarde dans la glace, je ressens ça de nouveau. Du dégout, pour moi même. Sauf que cette fois, c'est belle et bien ma faute. Le docteur Miles pourra dire ce qu'il veut, c'est moi qui ait embrassé Lisa, moi qui l'ai poussé à coucher avec moi, moi qui l'ai laissée seule au petit matin.

Je crache sur le miroir.

Ma bave glisse sur ce visage qui me répugne.

Je me déteste.


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De l'autre côté de l'écranWhere stories live. Discover now