Étape 3 : Émouvoir

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Comme convenu, je me rends à notre rendez-vous habituel, même si la boulangerie est fermée et que Francine doit tranquillement faire la grasse mat' dans son cocon. En attendant que Rosie se pointe – avec l'espoir qu'elle ne se dégonfle pas –, j'envoie un message à Vanessa pour lui demander si notre rendez-vous de ce soir tient toujours. Vanessa n'est pas ma copine – les missions excluent toute relation du type –, mais je la vois régulièrement. Elle est certainement la personne, en dehors de Barbara, qui est la plus importante dans ma vie, en plus d'être la plus constante. Selon l'endroit où habite l'adolescente que je dois aider, je suis plus ou moins loin du centre de Paris, et donc de Vanessa. Je me trouve actuellement un peu trop loin d'elle à mon goût. J'ai besoin de la voir, j'ai besoin qu'elle m'enrobe de son charme hors du commun pour me redonner l'énergie que je perds dans cette mission.

Rosie progresse, mais son état me mine. J'espère apercevoir de nouveaux progrès plus significatifs d'ici peu.

Je range mon portable quand cette longue chevelure rousse attire mon attention. Rosie adopte sa démarche habituelle, mais quelque chose est différent dans son attitude. Je mets un temps à saisir qu'elle me regarde, moi, et non le sol. En cillant quelques fois, certes, mais elle semble sortir de sa coquille.

Arrivée à ma hauteur, elle ne dit rien. Elle attend que je m'exprime, les traits rongés par l'anxiété et le regard brillant d'espoir. Je prends la décision de ne pas la décevoir, ni de l'embarrasser davantage, et murmure :

— Salut.

Ouais, très original. Ça en jette, pas vrai ?

Je l'admets, peut-être que j'ai toujours peur d'effrayer Rosie en disant quelque chose de travers. Je ne me pardonnerai aucune erreur.

— Bonjour.

— Comment ça va ?

— Ça va, merci. Et toi ?

— Je me porte comme un charme.

Et ceci, les amis, est la discussion la plus trépignante que j'ai jamais eue.

Il va bien falloir que je tente un truc, quitte à faire quelques pas en arrière dans notre progression. À ce rythme, je peux m'estimer heureux si elle me donne son prénom à Noël. Or, j'aimerais qu'à Noël, je sois en train d'aider une autre adolescente.

— J'espère que tu ne vas pas trouver ça trop culoté de ma part, mais j'aimerais tout de même connaître le prénom de la fille qui m'offre de si bonnes baguettes un matin sur deux. Parce que bon, j'en ai marre de t'inventer des prénoms mentalement.

— Quels prénoms tu me donnes ?

— Un truc entre « Rebelle » et « Ginny Weasley ». Oui, Disney et Harry Potter, comme tu le vois j'ai des références très variées.

— En effet, tu parais très cultivé.

Attendez, est-ce que Rosie vient de plaisanter avec moi ?

Je savais qu'Harry Potter et Disney étaient des valeurs sûres, la plupart des filles en sont folles. Le risque maintenant c'est qu'elle se sente assez à l'aise avec moi pour chanter Ce rêve bleu tout en intégrant le sort « lumos » dans les paroles ; pour être tout à fait honnête, je ne crois pas que mes tympans soient préparés à une telle performance.

— Je m'appelle Rosie, déclare-t-elle finalement.

Je la regarde intensément, comme si j'essayais d'associer ce prénom à son visage.

— Et toi ?

— Quoi, et moi ?

Elle rougit, comprenant très bien que je la fais marcher. Mais plus elle parle, plus ce petit être un peu trop enthousiaste au fond de moi crie victoire, alors je vais tout faire pour lui extorquer le plus de mots possibles.

MISSION SÉDUCTION - PREQUEL + PREMIERS CHAPITRESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant