25-Saturn's return

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Aidan

C'est fini.
Il est parti.

J'ai raccompagné tout le monde à la maison, et j'ai insisté pour qu'elles dorment immédiatement. Ce qu'elles ont fait. Puis Cress m'a appelé. Je n'ai pas eu le temps d'articuler trois mots qu'elle m'assaillait déjà de questions. Abattu, je n'ai pas eu d'autres choix que de capituler et de lui dire la vérité.

-Ça craint, a-t-elle dit.
-Pas faux.
-Vous allez vous en sortir, Aidan, a-t-elle tenté de me rassurer.
-Pas sûr.
-Tu m'énerves à être pessimiste. Tu sais ce que je ferais si j'étais là ? Je te planterais une deuxième fois pour que tu te réveilles.

La plaisanterie était de mauvais goût mais j'ai fait mine de rigoler.

-Cress, t'es invivable.
-Merci, et oh Aidan ? Rappelle-toi que c'est fini. Quintana ne peut plus rien maintenant.

Et à la minute où elle dit ça, bien sûr, la situation est partie en sucette.
J'étais à la fenêtre, innocemment en train de me demander si je ne devais pas commencer à fumer, pour m'abrutir l'esprit, quand j'ai aperçu, remontant la rue par la gauche, derrière la pelouse de notre jardin, le petit frère de Samuel, qui se dirigeait bien sûr vers chez nous.

-Je te rappelle.

J'ai raccroché, saisi d'un profond sentiment d'agacement puis je suis allé lui ouvrir la porte, avant qu'il ne sonne et alerte tout le monde de sa présence.

Il a semblé surpris de me voir ainsi remonté. De me voir tout court. Bien sûr, il espérait tomber sur Brenna. Ce qui m'a encore plus énervé.

-Heu, Aidan ?
-Qu'est-ce qu'il y'a ? Tu veux voir Brenna ? ai-je dit au comble de l'exaspération. C'est pas le moment.
-Je sais, mais je pense que je peux trouver un moyen pour...

Cette fois-ci, il me foutait vraiment les nerfs. C'était trop demander de nous laisser tranquilles ? Sa famille ne nous a-t-elle pas déjà assez fait souffrir ?
Je ne sais pas pourquoi mais j'ai commencé à nourrir une haine encore plus puissante, et pas que pour Samuel.

-Épargne ta salive, petit. J'essayais de te le dire avec tact, mais en fait Brenna ne veut plus de toi.

L'énormité de ce que je venais de dire m'impressionnait tellement que j'avais peur de voir soudainement apparaitre Brenna en haut des escaliers.
Mais rien.

-Quoi ?

Je vois la surprise dans son regard. Il a l'air à peu près sincère, mais qui sait ? Et s'il nous en voulait d'avoir envoyé Sam en taule ? Et s'il avait l'intention de faire du mal à ma sœur ?

-T'as bien entendu. En fait, elle vous en veut à toi et ton frère, de ce que vous lui avez fait endurer, et elle ne veut plus entendre parler de vous.

Je n'ai pas attendu de voir sa mine déplorable. J'ai claqué la porte, tout en me souvenant que je redevenais un enfoiré. Mais c'était trop. Je n'en pouvais plus. Alors j'ai fait ce que j'ai toujours su faire :

J'ai empoisonné la vie des autres.

J'en ai marre. Marre de la tournure que prennent les choses. J'aimerais vraiment arrêter d'être celui qui fiche tout en l'air, mais celui qui m'empêchait de sombrer n'est plus là.

Je remonte dans ma chambre, pour m'écrouler sur mon lit. Sans même prendre la peine d'allumer la lumière. Je n'ai plus envie de rien. À part peut-être...

J'avance mon poignet devant moi pour de nouveau contempler son dernier cadeau. Et j'active le bouton pour faire apparaitre cette phrase, qui me manque, quand tout à coup, à travers la pénombre de la pièce, un faible faisceau lumineux part du verre pour afficher au plafond, dans une couleur dorée :
ISLY, H.

   Lui et ses acronymes. Il me donne envie de pleurer. I Sincerely Love You, autrement dit ''je t'aime sincèrement''. H. Henry.
Il m'a laissé une dernière surprise, un dernier présent de lui.

Ce ne sont que des mots, et pas les plus originaux, qui plus est. Mais ils me font tellement de bien que c'en est abusé. J'ai presque l'impression que la sensation de vide a disparu, et qu'il est là, avec moi.
Enfin, peut-être pas là mais tellement proche que...

J'entends la sonnette de la porte, ce qui me fait sursauter si fort que je tombe par terre. Ma blessure au flanc se réveille et m'envoie une décharge électrique de douleur sourde, dans tous mes os.
Tout le monde dort à cette heure-ci, il est presque vingt-trois heures trente. Qui est assez timbré pour venir à une heure pareille ?

Je redescends avec empressement, avant de me diriger vers la porte d'entrée, l'ouvrir, pour tomber nez-à-nez avec le petit Quintana. De nouveau.
Je suis sur le point de sortir quelque chose de vraiment méchant quand il lève les mains en signe d'apaisement.

-Hé, doucement. Écoute, écoute.
-Quoi ?
-Je voulais juste te dire que t'avais raison.
Raison ?
-C'est un peu de ma faute s'il s'en est pris à vous, je sais. Je venais juste te dire que...Vous n'entendrez plus jamais parler de moi. Mon frère va probablement finir au trou, et ce n'est pas mon père qui risque de prendre la relève. Donc, je vais partir chez une tante, dans le Nevada.

Ça fait beaucoup à assimiler d'un seul coup, pour ma défense. C'est pourquoi je ne parviens pas à dire la moindre parole.

-Alors dis à ta sœur...Que je suis désolé.

Il reste les yeux dans le vague pendant cinq secondes avant de tourner les talons, et s'en aller, sans que j'ai pu émettre la moindre objection.
Désolé.

Je crois que c'est le mot magique pour débloquer ma bonne conscience. Qu'est-ce qui me prend ? Brenna n'a jamais connu l'amour. Elle était sur le point de le vivre, tout comme moi, mais j'ai réfreiné le truc, juste parce que le gars avait un nom de famille qui me dérangeait ?

Sans le faire exprès, je n'ai pas protégé ma sœur d'une potentielle menace ; je l'ai juste empêchée d'avancer, de tomber, de faire des erreurs, de vivre.

Que dirait Henry de moi s'il était à mes côtés ? Probablement quelque chose comme :

-Je savais que tu ne pourrais pas t'empêcher, Ayd.

Et il aurait raison.

Mortal Venom TOME 2Where stories live. Discover now