11-Doubt

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Aidan

Je ne connais pas les raisons qui ont conduit Brenna à perdre pied, alors qu'elle est bien la dernière à abandonner lors de situations difficiles mais pour l'instant, j'ai d'autres préoccupations.

  En dépit de ce que m'a dit Henry, je ne peux pas juste attendre que Samuel frappe le premier. Parce que s'il porte un coup, je ne sais pas quel sera l'étendue des dégâts.

  Et je ne veux pas que quelqu'un en souffre. Surtout pas Henry.

  Alors j'ai pris les devants. Je me suis rendu à un ancien contact, qui m'a certifié que le magasin spécialisé dans la vente d'armes que je visais était cent pour cent clean.
  J'y suis allé le soir-même.

Les étalages qui s'étendent sous mes yeux sont tout simplement splendides. Un pan entier du mur est réservé aux fusils de toute sorte : de l'AK-47 à la mitraillette par à-coups, toutes les vitrines regorgent de merveilles, dont je ne suis pas sûr d'arriver à nommer. Des calibres de tout genre, des revolvers, des cartouches plus rares les unes que les autres ; pour un psychopathe, cette boutique est le paradis.

  Mais je ne suis pas psychopathe. Je veux juste garder les miens en vie. Je m'approche du vendeur, pour commencer mes requêtes. Puis je suis frappé de stupeur. Le gars qui gère toutes ces pièces de collection n'a pas l'air beaucoup plus âgé que moi. Son visage possède une symétrie harmonieuse, que j'ai tout de suite honte d'avoir remarqué. Est-ce que ce genre de pensées fait de moi quelqu'un de mauvais ?

  Je serre les dents puis lui tends un papier.
-J'ai besoin que tu me files tout ça.
  Le vendeur-qui-a-l'air-d'avoir-mon-âge arbore tout à coup une mine de dégoût.
-Je ne sais pas où t'as été élevé, mais dans cette société, on a tendance à d'abord commencer par bonjour.
  Sa répartie m'impressionne. J'ai l'habitude que les gens se ratatinent quand je commence à bravacher mon autorité. Mais lui...non.

-Peut-être, mais bon, le client est roi.
-Parce que le client est con.

  Non, mais je rêve, quel culot. Je n'ai qu'une envie : l'étaler par terre pour qu'il évite de se la ramener.
  Il sourit, en plus, cet enfoiré.

-Je parie que t'as pas l'habitude qu'on te réponde, déduit-il.

Je hausse les épaules.

-Parce qu'ils finissent toujours au tapis avant d'avoir pu demander pardon, je précise.

-Bah, tu tombes mal, moi j'ai fait du judo, ajoute-t-il avec fierté.

  Un doute commence à s'installer en moi, me prenant totalement au dépourvu.
-T'as fait quel dojo ? le questionné-je avec une impression bizarre.

-Varter. Varter Kurzawa, dit-il prudemment.
   Malgré moi, le déclic se fait dans mon esprit, en même temps que je tape du plat de la main sur la table du comptoir en verre.

-Hé, Liam ?

  Il reste un instant sans bouger avant de récupérer l'usage de ses muscles, bouche bée.

-Aidan ?

  Et comme si de rien n'était, on se tape dans la main.

  J'ai rencontré Liam Finnighan à l'époque où Martin me trouvait trop violent pour déambuler librement, et a voulu m'inscrire à un club de judo : Varter K. Là-bas, à part distribuer des coups de taureau sans la moindre logique, je ne faisais pas grand-chose.

Liam, qui avait déjà sa ceinture marron à huit ans, m'a montré comment ne pas baisser ma garde, comment vaincre un adversaire plus fort, et comment mettre K.O sans dépenser trop d'énergie. Grâce à lui, je me sentais fort.

  Il n'est resté que très peu de temps à Varter, mais en dépit du fait que je ne l'ai jamais remercié, j'ai toujours apprécié Liam.

-Non, mais mec ! Je t'ai pas reconnu, t'as vu comme t'as changé !?? déclaré-je en haussant la voix.

  C'était vrai. Ses cheveux, autrefois noirs et longs, avaient désormais les pointes blondes sculptées par le gel (même si ses racines étaient toujours brunes), et semblaient nettement plus court, avec une dynamique qui lui va beaucoup mieux. Normal que je ne l'ai pas reconnu.

-Et toi, alors ? Dans mon souvenir, t'étais moins poli, se moque-t-il.

  Je n'ai pas envie de commencer à lui parler de ma vie, de la mort de mon père et de mes nouveaux objectifs. Parce que quelles que soient les étapes que je franchis, les obstacles que je gravis, je finis toujours par régresser.

  Cette constante ne m'enchante pas du tout, mais je ne suis toujours pas parvenu à la briser.

-J'ai changé, concédé-je. Mais ça ne change pas le fait que j'ai besoin de ça (je désigne le papier avec insistance).

-Ça roule, mon pote, se rend-il en levant les mains. Mais bon, j'ai un peu l'impression que ton histoire pue le gang à plein nez.

-Non, ça n'a rien à voir, renié-je.

-Si ce n'est pas une bande, cela ne peut être qu'une seule personne, reprend Liam, songeur.

  Non, ne me dites pas qu'il a deviné. Ne me dites pas qu'il a deviné.

-Quintana.

  Waouh, la Terre entière est contre moi ou quoi ?

-Pas tes affaires, me contenté-je de rabâcher.

   Liam finit par réunir tout le matériel que je lui ai demandé puis se résigne à me donner son ultime conseil.

-Je pense que tu as tort de choisir cette voie. (Je lève les yeux en soupirant) Si Samuel a vraiment l'intention de se venger de toi, je crois qu'il emploiera une manière beaucoup plus élaborée pour te détruire, m'informe Liam.

  J'en prends mentalement note avant d'y aller. Plus j'y pense, plus je me dis que Liam a raison. Samuel est beaucoup trop intelligent pour me faire le coup de faire du mal physiquement à l'un de mes proches. Son plan, quel qu'il soit, va devoir tenir sur le long terme.

Mortal Venom TOME 2Where stories live. Discover now