2- Venom

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Aidan

Je quitte Long Beach avec une nervosité qui ne cesse de s'accumuler. Je déteste l'anxiété et tout ce qui a attrait aux doutes : avec cette pression, je finis toujours par prendre la mauvaise décision.

Ce soir-là ne fait pas exception. Je prends la route d'Altburrows, à pieds, me préparant mentalement à ce qui va suivre. Samuel a dû être relâché et réhabilité, ce qui explique pourquoi il s'est permis de m'envoyer ce message. Je ne me préoccupais plus de ce gars-là depuis la fameuse nuit où tout est parti en sucettes. Je sais que ce qu'il a fait lui a valu de la prison, et que mon sort, qui s'est décidé en grande partie grâce au statut de Martin dans la société, aurait pu être bien pire que quelques mois de travaux d'intérêt général.

Lui n'y a pas échappé à cause de ses origines modestes.

Je m'en suis sorti, pas lui.

Super, encore une autre raison de me sentir coupable.

Je cherche parmi les bâtiments tagués et en mauvais état un signe qui pourrait m'indiquer où se trouve ma cible, mais il n'y a rien de notable, à des kilomètres à la ronde. De quoi décontenancer n'importe qui.

Je n'aurais pas dû foncer avec aussi peu d'informations. J'aurais dû...

-Te voilà donc Goldshard.

Je ne me permets pas de sursauter, mais j'ignore comment ce cinglé s'y est pris pour me surprendre. En me retournant, j'aperçois Samuel Quintana, au balcon du premier étage d'un immeuble juste derrière moi.

Je lève les yeux pour le toiser d'un regard exaspéré. Les coudes sur la barrière, une cigarette entre les doigts, Samuel, mon incorrigible ex-compagnon de coup bas, m'observe d'un air détaché.

Il a toujours voulu jouer au plus intelligent. Et il croit sans doute m'embarquer dans une nouvelle vendetta perdue d'avance, à moins qu'il ne cherche à me planter efficacement un couteau dans le dos. Je parie qu'il rêve de ma mise à mort toutes les nuits. Il est assez dérangé pour avoir des fantasmes de ce genre.

Je suis bien placé pour en parler puisque je me comportais exactement de la même manière.

-Je croyais que t'aurais la trouille de venir, continue-t-il avec son éternel sourire venimeux. Puis il ajoute avec malice : "Connard".

Bon sang, je n'ai rien contre les mexicains, mais lui ! Il représente la pire pute que j'aie jamais vue. On dirait qu'il a décidé de réunir tous les défauts de la Terre à l'intérieur de lui. Arrogant, sournois, déloyal, profiteur et j'en passe. Et casse-couilles par dessus le marché.

En plus d'avoir fréquenté des cartels. Et des gangs. Et participé à des duels illégaux. En fait, je ne sais pas comment il fait pour être encore en vie.

Et surtout, je ne sais pas ce qui m'a pris de trainer avec lui. Ou peut-être que si. Il avait l'air d'être comme moi, et je souffrais beaucoup d'être totalement incompris par tout le monde. Quel imbécile j'ai été.

-Tu ne m'as pas manqué, clochard.

Il prend mon insulte en riant puis s'appuie contre la rambarde.

-Toi, par contre, t'es devenu riche, c'est ça ? T'as profité de l'argent de ton daron mort pour te remettre d'aplomb ? Chapeau.

-Non. J'ai récupéré du fric en baisant ta mère, je réponds aussitôt. Elle m'a payé super cher en plus, mais elle a été contente du service puisqu'elle a atteint le septième ciel.

Je viens de franchir absolument toutes les limites imaginables de la méchanceté crue, en comptant le fait que la mère de Sam est décédée, d'où mon allusion déplaisante.

Mortal Venom TOME 2Where stories live. Discover now