5-We're only here for a moment

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Aidan

  Il finit par rire en jetant le papier par terre.

-Je savais que tu me referais ce coup, m'accuse-t-il.

  Même si je sais qu'il a raison et que je ne suis qu'un minable, curieusement, ce soir-là, je ne me sens ni en état de me défendre, ni de me mettre en colère. Je n'ai plus la force de me disputer avec qui que ce soit ; Samuel m'a pompé toute mon énergie positive. Et je suis fatigué.

  Je ne réponds pas à Henry et je vais m'assoir quelques mètres plus loin, sur les escaliers, tout en haut. Et j'enfouis mon visage dans mes mains.
  Je ne vais pas y arriver. Soit je me charge de Sam, et je m'attire pour toujours le désaccord de Henry, soit je le laisse déambuler, et finir ce qu'il a commencé, en me privant par là de ceux que j'aime. Je sais qu'il ne plaisante pas. Sam n'est pas le genre de brute qui ne pense qu'au profit. Pour lui, la vengeance tient une place extrêmement importante également. Peut-être même plus que l'argent. Qu'est-ce que je vais faire si Henry ne me laisse pas le protéger ? Si je le perds ?

-Hé, ça va ?
  Il s'est assis à côté de moi, tout à coup anxieux à l'idée que je puisse me sentir mal. C'est une des choses que j'aime le plus chez lui. Son sentiment de colère passe toujours après son inquiétude pour moi.
  Je ne sais pas combien de fois je l'ai signalé mais je ne le mérite pas.

-Je..je ne sais pas quoi faire, Henry. J'ai l'impression que quelle que soit l'option que je choisirai, je vais tout perdre.

-Non.

  Je me tourne vers lui. Il semble bien sûr de lui pour quelqu'un qui ignore totalement de quoi je veux parler.

-Mais tu ne sais pas, Henry, ce qu'il compte faire. Tu ne le connais pas.

-Je ne suis pas aussi perdu que tu le penses, dit-il en haussant les épaules. Je sais que c'est Samuel qui est derrière tout ce cirque.

  Waouh. Il m'a pris par surprise.

  Je finis par éclater de rire.

-Et tu laisses ta porte ouverte !

-Il ne me fait pas peur, rétorque Henry. Et pour info, notre porte est équipée d'un détecteur de mouvement, qui me prévient directement sur mon portable d'une intrusion. Et si je n'arrête pas l'alarme, elle est conçue pour directement composer le 911.

Voilà pourquoi cet imbécile de Quintana est passé par la fenêtre.

-Espèce de frimeur.

  Il lève les yeux au plafond.

-T'as raison de dire que je ne veux pas que tu tues cet imbécile, reprend-il. Mais je ne dis pas que s'il s'en prend à nous, on ne ripostera pas. Fais juste en sorte qu'il reparte les yeux enfoncés dans leurs orbites. 

-Waouh. T'as changé, dis donc.

-C'est sûrement ta faute, d'ailleurs, rectifie-t-il. Arrête de foncer tête baissée, Ayd. T'es devenu champion dans l'art de t'attirer des problèmes.

  Je souris sans pouvoir m'en empêcher. Ces temps-ci, Henry a tendance à m'appeler par la version raccourcie de mon nom, sans s'en rendre compte. En fait, je trouve ça plutôt cool, mais je crèverais plutôt que de l'admettre. Mais je ne veux pas le taquiner avec ça, ce soir, j'ai besoin d'autre chose. Une certitude. Parce que mon avenir devient incertain avec toutes ces personnes qui m'en veulent. Et mes ennemis sont toujours irraisonnés.

-Henry...
  Je n'arrive pas à poursuivre mais il me fixe avec insistance.
-Henry, si jamais il m'arrivait un truc et que...
-Mais putain, tais-toi ! fait-il en me cognant le bras avec son coude.
-Non, mais si jamais  il m'arrivait un truc, tu vois, je reprends plus fort. Il faut que tu me promette que tu prendras soin de ma famille.
-Cette question ne se pose même pas, s'énerve Henry. Tu sais très bien que je le ferai.
-Et que tu continues à vivre, toi aussi.

  Cette fois-ci, il ne répond pas, et ça confirme tous mes cauchemars. Il refusera d'être heureux. Il refusera, parce qu'il se sentira éternellement responsable si je meurs ou si je finis en taule. Oh mon Dieu, j'espère juste qu'on n'en arrivera jamais là.

-Henry, promets-le moi, s'il te plaît.

  Il secoue la tête.

-S'il te plaît.

Il secoue de nouveau la tête, puis passe la main dans ses cheveux.

-Pourquoi t'es aussi morbide ? Je ne peux pas, Aidan. Je ne peux pas.
-Pourquoi ?
-Parce que ! T'es en train d'insinuer que tu n'en as plus pour très longtemps, ce qui est complètement absurde ! Pourquoi tu vivrais moins longtemps que moi ? Pourquoi moi, je ne pourrais pas te poser cette question ? Je sais que tu as beaucoup d'ennemis, et que tu souffres de vouloir être à la hauteur pour tout le monde, mais ça ne veut pas dire que tu ne surmonteras pas tout ça. Pas si je suis avec toi ! Je refuse cette idée.

  Voilà que maintenant, il pleure. Je ne suis pas certain qu'il m'ait convaincu pour mon espérance de vie, mais en tout cas, je déteste le voir ainsi, les larmes aux yeux, et la mine assombrie une telle tristesse que j'ai l'impression de me faire poignarder dix fois dans le cœur.

  Il pleure pour moi. Parce qu'il s'inquiète. Parce qu'il déteste me voir ainsi. Il fait toujours tout pour les autres. Jamais pour lui. Il est tant que quelqu'un pense un peu à lui.

-D'accord.
  Ses sanglots se tarissent et il me regarde sans comprendre.
-Je vais essayer de rester dans le coin t'embêter encore un moment, précisé-je.
-Le plus longtemps possible, s'il te plaît, dit-il en rigolant.
  Je cesse de me morfondre et m'apitoyer sur mon sort. Je ne suis pas seul. J'essuie les larmes de son visage, si innocent, si beau, que je ne veux plus jamais le voir triste.
  Il attrape ma main en plein mouvement.

-Espèce de crétin. Ne dis plus jamais que tu vas crever.
-Vu l'état dans lequel tu t'es mis, je ne prendrais pas ce risque de sitôt.
-Imbécile.

  Mais il sourit, ce qui représente un énorme pas en avant.
    Je ne suis toujours pas prêt à imaginer ma vie sans lui.

Mortal Venom TOME 2Where stories live. Discover now