DIX-NEUF | énorme pétage de câble

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Zelda n'aurait jamais dû se trouver à l'arrière du lycée ce jour-là. Mais par un concours de circonstances des plus infortunés, elle y était bien et au pire moment. Elle n'avait pas pour habitude de se rendre dans ce coin reculé, d'autant plus quand on pouvait y apercevoir le groupe d'adolescents qu'elle détestait le plus : le groupe de Rebecca et celui de Zach, mixé en un seul comme c'était souvent le cas. Inutile de préciser qu'Abbie était présente également.
Zelda avait choisi de les ignorer royalement, espérant qu'ils choisiraient de faire de même et de la laisser régler ses petites affaires ; elle était là pour avoir une discussion sérieuse avec l'une de ses amies, nommée Rachel. C'était d'ailleurs cette dernière qui avait suggéré qu'elles aient leur conversation ici, endroit où elle pouvait fumer en toute discrétion. Probablement la plus mauvaise de toutes les idées qu'elle n'ait jamais eu.

Zelda était donc à l'arrière du lycée en cette journée d'hiver si banale en apparence, à midi passé de deux minutes exactement. Elle était assise sur un banc, à quelque chose comme deux mètres du groupe qui l'horripilait, quand elle put voir un garçon sortir par la porte arrière et s'en aller vers une destination inconnue en rasant les murs. Elle n'y prêta guère d'attention au début, le suivant juste du coin de l'œil tout en poursuivant son argumentaire. Rachel acquiesça en tirant une nouvelle taffe, ses yeux s'attardant aussi sur ce lycéen étrange. Il semblait si fragile, si différent de tous les autres adolescents de l'établissement. Quelque chose en lui rappela son jumeau à Zelda. C'était très étrange d'ailleurs, puisque Raleigh ne se déplaçait pas avec l'échine aussi courbée, n'avait pas l'air capable de s'écrouler sous la caresse d'un simple souffle, n'était jamais aussi abattu que cet inconnu semblait l'être. Pourtant ce garçon-là déclenchait chez l'adolescente ce même instinct de protection que celui qu'elle avait envers son frère. Mais, encore une fois, Zelda ne s'y attarda pas trop.

Évidemment, si son amie et elle avait remarqué le nouvel arrivant, c'était aussi le cas du groupe non loin. Zach en particulier, se redressa et, menton fièrement dressé, bouche déformée par un rictus moqueur, interpela le lycée d'un ton qui ne présageait rien de bon pour lui.
Zelda sentit son sang se mettre à bouillir ; l'autre imbécile allait forcément se foutre de la gueule du garçon, c'était sûr ! Oh qu'elle avait envie de lui coller son poing dans la figure pour qu'il apprenne à laisser les gens tranquilles ! Mais l'avertissement de ses parents lui revint en mémoire : elle avait déjà causé trop de problème au lycée et dans les établissements précédents, si elle continuait, ils finiraient par sévir. Ce n'était pas la punition en soit qui empêcha Zelda de s'interposer, plutôt la perspective de décevoir encore une fois sa famille, de donner raison à tous ceux qui la disaient violente et incapable de se contrôler. Elle choisit donc de rester impassible mais tout de même sur le qui-vive et de, pourquoi pas, tenter une intervention pacifique si la situation dégénérait. Elle inspira donc profondément pour essayer de se calmer et de réprimer cet instinct de protection qui lui criait de se jeter dans la bataille.

L'inconnu s'était brusquement figé en entendant son prénom. Il demeura immobile, dos tourné à eux, jusqu'à ce que Zach l'appelle une nouvelle fois et l'enjoignit à les rejoindre. L'adolescent se retourna lentement, tremblant de la tête aux pieds et s'approcha à tout petits pas. Cela ne plut visiblement pas à Zach qui le somma d'aller plus vite. Ce que l'autre fit.

A chaque pas qui le rapprochait du groupe, le cœur d'Abbie battait un peu plus fort et sa panique grandissait. Que faire ? Ce lycéen terrifié, c'était David. L'ami de Raleigh. Celui qu'ils devinaient harcelé par Zach. Et c'était le cas, cela se produisait juste sous ses yeux. Elle s'était promis de ne plus jamais prendre part à un harcèlement et de tout faire pour que cela s'arrête mais elle ne s'attendait pas à ce que l'occasion se présente si vite, et surtout comme ça. Pour tenir son engagement, il fallait qu'elle s'oppose non seulement à Zach – peut-être la personne la plus terrifiante du lycée – mais aussi à tout son groupe d'amis qui, s'ils n'étaient pas foncièrement pour le fait d'harceler quelqu'un, était clairement sous l'emprise du collectif. En exprimant son désaccord, Abbie allait se mettre à l'écart de tous les autres, passer pour une dégonflée. Pire, si sa protestation n'était pas suivie – et elle ne le serait pas – cela n'aurait aucun impact sur le futur proche de David. Alors Abbie décida de faire la seule chose qui était à sa portée, qui correspondait à son caractère lâche : faisant mine de répondre à un sms, elle alluma le micro de son portable. C'était plus discret que de filmer et ça pourrait peut-être aider Raleigh plus tard.
Du coin de l'œil, Abbie chercha une quelconque réaction de la part de Zelda assise non loin. Elle s'attendait à ce que la jumelle de son ami intervienne à grand renfort de cri, mais rien. Etrangement, Abbie se sentit comme abandonnée ; pourquoi l'autre n'agissait-elle pas ?
Tu ne peux pas compter sur les autres pour faire les choses à ta place, se réprimanda-t-elle au bout de quelques secondes. Ce n'était pas forcément à Zelda de faire les choses.

Valse no. 19  A minOnde histórias criam vida. Descubra agora