Chapitre 10

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Sur le quai de métro, je suis un peu, beaucoup, complètement perdu, faut l'avouer. Trop de choses en tête depuis tout à l'heure. Je veux accélérer le temps, voir arriver cette rame au plus vite. Il est tard, je suis pressé et épuisé. Très mauvais mélange pour moi, ça me rend impatient et... Je secoue la tête, ne pense pas à ça. Il vaut mieux que j'évite les interactions sociales sinon il y aura sûrement en malheur, je ne pourrais pas contrôler mes mots et éviter bien des maux. Je place mes écouteurs sur ma tête pour m'isoler et faire passer le temps. J'ai qu'une envie rentrer dans mon cocon, mon chez-moi et digérer toute cette journée et celle d'avant.

C'est long, beaucoup trop, ça laisse trop de place à mes interrogations et mes incertitudes. Mer... Mercredi... Pourquoi m'ais-je pas accepté la proposition de Maman de me payer le taxi. Peut-être par fierté ? Un peu, mais surtout pour démontrer que je gère ma vie sans l'argent des Monfort-Martens. Je ne suis pas riche, car je ne gagne pas des milles et de cent, mais c'est une somme décente et honnêtement acquise. Plus que peuvent en dire mon père et mon frère, et ceux sans exploités des gens. Ça, c'est ma plus grande fierté, être un fonctionnaire au service d'autrui me réjouit même si la paye n'est pas élevée.

L'autre raison, mon besoin d'évacuer une partie de mes tensions en marchant. Je sens ce fourmillement, il en reste encore une bonne dose trop et mon appartement, ma baignoire est trop loin encore. Je triture mon téléphone, à la recherche de la bonne playlist. Rien ne me tente vraiment. Je déclenche la fonction aléatoire et lève les yeux. Je réalise enfin l'affiche qui est devant moi. Sauvé par le gong, la rame arrive enfin dans la station, elle là masque en s'arrêtant à mon grand soulagement.

En instant, c'est Thomas qui prend la place de mes soucis. Putain de campagne de pub de la promotion de la saucisse de Montbéliard ! Je ne dois pas penser à lui, ce n'est pas le moment, mais tu penses à quoi PEM ! Je me sermonne, mais rien n'y fait. Dès que nous arrivons dans une nouvelle station, je ne vois plus que ces immenses placards publicitaires qui me rappellent notre soirée si parfaite, qui me parle de lui, de nous. Les chansons insipides s'enchaînent l'air de rien n'arrivant pas à me le faire oublier. Je zappe quand elle parle d'amour. Pourtant mon beau policier s'empare toujours un peu plus de ma tête. Les notes s'arrêtent et reprennent toujours aussi peu efficaces pour m'évader. J'ai l'impression de toujours penser à lui, dans ce métro puis dans le boulevard qui chemine vers chez moi, le ciel qui se fait menaçant, la nuit qui tombe. Je pense à lui encore et encore.

J'accélère le pas cherchant toujours à évacuer mes soucis, lui et tout le reste. Puis une nouvelle musique démarre, je la connais par cœur, elle m'a toujours parlé, mais aujourd'hui, elle fait résonance avec mon trouble, les premières notes de With or without you de U2. Je fredonne en traduisant les paroles dans ma tête et les transposant pour moi. À la fin je réalise une chose, je l'aime encore même s'il m'a blessé sans le savoir. Que je suis aussi fautif que lui. Triste constat de me savoir seul quand je rentrais alors que j'aurais pu être dans ses bras ce soir et accompagné et soutenu cette journée. Si je l'avais écouté, si... Je réalise ce que je pense. T'es qu'un con PEM ! Je me file d'autres petits noms d'oiseaux aussi peu aimables. Les si ne se changeront pas en maintenant pour gommer ma solitude.

Il faut que je lutte contre mon spleen. Je prends mon téléphone, trifouille sur l'écran et je bascule dans les années 1980, plein de Pop rock pleine d'entrain. Bronsky Beat résonne dans mes oreilles et je file dans les couloirs du métro. Il fait sombre quand je sors de sous terre. J'avance dans l'avenue éclairée. Maintenant, c'est Wham ! Je souris, les groupes gay sont à l'honneur. Un petit sourire naît sur mes lèvres.

D'un coup, il commence à pleuvoir à grosses gouttes, des lourdes qui font mal en me heurtant. Je m'élance et cours vers mon immeuble. Soulagé d'être à l'abri, je pousse la lourde porte de bois et fixe l'escalier. Je repense à nous grimpant impatients mouillés ses marches quatre à quatre. Je secoue la tête, ferme les yeux.

En toute franchise [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant