DOUZE ; EMORI

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Dépassé la forêt, tout n'est que désert à perte de vue. Une mer infinie de sable et de roches s'étendant sur un nombre inconnu de kilomètres. Le soleil tape fort, la chaleur se faisant de plus en plus insoutenable. Alors que tout le monde est silencieux, moi je chante dans mon coin en shootant dans les cailloux.

- Pain ! You made me a believer, believer !

- Kodaline, chante-nous quelque chose de plus joyeux, veux-tu. Me demande Jaha.

- Pas de problème, chef.

Je m'accroche toujours à la main de John comme je m'accrocherais à la vie. Nos compagnons de route sont peu optimiste quand à nos chances de découvrir cette fameuse Cité des Lumières.

- Il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux ! Il faut se satisfaire du nécessaire...

Il ne manquerait plus que nous nous mettions à gambader et nous nous serions crus dans cette comédie musicale qu'on nous passait chaque année. Quelques fois, j'aimerais vivre dans un conte de fée bien niais et cliché. Ce serait tellement plus simple que cette horrible réalité.

Nos pieds s'enfoncent dans le sable, rendant notre marche plus difficile. Bientôt, nous nous couvrons la tête de nos vêtements de rechange afin de nous protéger du soleil et de la chaleur. John me tient fermement la main. Depuis que nous avons quitté Arkadia, je me suis détendue : seulement, c'est John qui commence à regretter notre départ. Je ne sais pas quoi dire pour détendre l'atmosphère, sachant que lui et le reste de nos compagnons commencent sérieusement à douter de Jaha. Je ne pensais jamais dire ça un jour, mais nous avons besoin de croire en lui plus que jamais.

- Tu te souviens, la première fois qu'on s'est vus ? Lui demande-je à voix basse.

- Oui.

- Tu te souviens de ce type, Wilson ?

Me rappeler de ce garçon me serre le cœur.

- Il avait peur, c'était évident. Mais il a tranquillement suivi les gardes sans faire de vagues.

- Où est-ce que tu veux en venir ?

- Je sais pas exactement. Je crois que la morale de cette histoire c'est que ce type est mort, et que nous on est en vie. Tant qu'on sera ensemble, il ne nous arrivera rien.

- Quand je pense qu'il y a moins d'un an, on se la coulait douce en cellule.

Je ris à sa réflexion que seuls des anciens détenus peuvent comprendre. L'Isolement n'était qu'un paradis, comparé à la vie que nous menons sur Terre. Auparavant, nous nous plaignions de Bevy et des gardes qui nous traitaient comme de la vermine. La mort nous attendait patiemment, certes, mais nous serions mort rapidement et sans douleur. Sur Terre, nous sommes en danger constamment.

Tandis que nous escaladons une énième dune de sable, un de nos compagnons pointe une charette abandonnée et s'écrie :

- Regardez, par ici !

Jaha, en tête de marche, s'aventure jusqu'à la charette à première vue déserte. Mais rapidement, un individu caché de vêtements qui ne laissent entrevoir que ses yeux surgit de l'arrière, pointant un couteau sur notre ancien Chancelier. Jaha tend la main vers le survivant.

- On ne vous veut aucun mal.

Le regard marron clair de l'inconnu alterne entre Jaha et le reste de notre troupe.

- Comprenez-vous notre langue ? Insite Thelonious.

- Qu'est-ce que vous voulez ? Lance la voix féminine de l'inconnue sur un ton agressif.

Jaha secoue la tête négativement.

- Rien du tout. On dirait que vous avez besoin d'aide. Qu'est-ce qui vous est arrivé ? S'enquit-il en pointant la charette d'un signe de tête.

La fille jette un regard dans ma direction puis range son couteau et dévoile son visage tatoué.

- Mon frère et moi étions en route pour la Cité des Lumières quand des pilleurs nous ont attaqués, explique-t-elle, ils ont pris notre cheval et toute l'eau qu'on avait, et ils ont tués mon frère.

Sa lèvre inférieure tremble. Cette charette est tout ce qui lui reste. Jaha ordonne qu'on lui offre de l'eau, puis John sort la gourde de son sac. Un de nos hommes stoppe son geste en lui saisissant la main.

- Hé, on en a à peine assez pour nous, on va pas en donner à une étrangère !

- Tu me touches encore une fois et j'te bute.

J'arque un sourcil, surprise. John pince les lèvres puis s'excuse :

- Façon de parler. Ou pas...

- Laisse, John.

Je tend ma propre gourde à la native et lui souris. Elle en dévise rapidement le bouchon puis boit deux longues gorgées.

- Nous aussi on cherche la Cité des Lumières. Tu t'appelles comment ? Lui demande-je.

La fille lève ses yeux bruns vers moi, pleine de reconnaissance.

- Emori. Vous savez, je peux vous y conduire. À condition que vous m'aidiez avec ma charette.

- Entendu. Accepte Jaha avant d'ordonner à deux des nôtres de prendre le premier relais.

Tandis que l'imbécile qui a interpellé John un peu plus tôt soulève la charette vide pour la tirer, nous nous remettons en route. John me reprend la main, et Emori vient marcher à nos côtés.

- Merci pour l'eau. Me remercie-t-elle.

- C'est rien.

Plus nous avançons loin dans le désert, plus je suis tiraillée entre le doute et l'espoir. Je ne peux pas me permettre de croire que nous cherchons un endroit qui n'existe pas, pas maintenant que nous ne pouvons plus faire marche arrière. Sois nous trouvons la Cité des Lumières, sois nous mourrons de soif ou de faim sous le soleil brûlant de la Zone Morte. Espérons que la première hypothèse soit la bonne, histoire de survivre.

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Ouh là, ça fait un bail dit-donc ! J'espère que je ne mettrais pas autant de temps sur le prochain chapitre. J'en profite aussi pour vous remercier pour les 3,10K sur le premier tome. Merci encore !

(2) PARADISE | j. murphyWhere stories live. Discover now