Partie 3

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              Vendredi 21 décembre

Je devais pénétrer dans son bureau. M'immiscer  dans son univers professionnel. Voilà mon idée lumineuse. Et cela, quel qu'en soit le prix.


Je mis au point un stratagème, un soir d'orage. Lisbeth ne m'adressait plus la parole depuis que je l'avais frappée. Elle me voyait chaque jour m'éloigner un peu plus. Je pense qu'elle redoutait une séparation. 

Etais-je prêt à franchir le pas? A cette époque, la question ne se posait pas. J'avais d'autres chats à fouetter.

Je tentais une timide approche de réconciliation. Elle m'envoya balader royalement. Me tournant le dos puis éteignant sa lampe de chevet.

Je me concentrais donc sur mon futur plan.



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            Jeudi 27 décembre


Je savais, par expérience, que les bureaux fermaient à 21 H. A cette heure, ne restaient que le personnel d'entretien et trois vigiles.



Parvenu au premier étage, je repérais un chariot à roulettes rangé dans le couloir. J'avisais une femme de couleur, la cinquantaine bien tassée, qui rangeait un balai-brosse. Sur sa blouse d'un gris douteux, était épinglé un badge avec son prénom: Gwandha.

Je m'approchais d'elle. Elle sursauta au son de ma voix. Je pris alors mon sourire le plus charmeur pour lui expliquer ma requête.

Je devais récupérer un dossier urgent dans le bureau 138, afin de pouvoir le travailler ce soir chez moi. Cela ne pouvait attendre.

Gwandha me dévisagea d'un air soupçonneux. Elle m'inspecta de la tête aux pieds avant de m'opposer un refus ferme et définitif.

Décidément, dans cette affaire, rien ne me serait épargné.


Cependant, je crus reconnaître un trousseau de clés pendu à l'arrière du chariot. Sans doute les doubles des clés de l'étage. C'était là ma dernière chance. Celle de parvenir à mes fins.

J'attendis que la femme de ménage pénètre dans un bureau pour lui subtiliser le trousseau. Une fois à la bonne porte, j'entrepris ma manoeuvre. Ce n'est qu'au bout de la cinquième clé que la serrure céda. 

Je repartis sur la pointe des pieds reposer les clés. Je tombais nez à nez sur Gwandha qui me fusilla du regard. Je la saluais poliment, lui annonçant que je partais.

C'est d'une main peu assurée que je tournais la poignée.


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Je pressais l'interrupteur. Une lumière blanche envahit la pièce. Il émanait un léger parfum d'ammoniaque et de lavande. 

Le lieu était sobrement meublé.Deux armoires métalliques se faisant face, un poster géant de Manhattan, quelques plantes vertes, et un bureau en bois d'acajou près de la baie vitrée.

Un bureau soigneusement rangé. Avec son couvre-main en cuir rouge, son porte stylos, sa pile de dossiers... J'ai caressé toutes ces choses. Chaque objet qui lui appartenait. Jusqu'à ce cadre cerclé d'or. Ce cadre, avec à l'intérieur, le portrait d'un homme jeune, trente ans tout au plus, au sourire radieux. A la barbe soigneusement taillée. Et aux yeux couleur ébène qui donnait à l'ensemble un regard ténébreux.

J'en fus terriblement jaloux. Moi, son rival.

Qui cela pouvait-il être? Son mec? Son mari? Un simple ami?!

Je fus envahi par une vague de jalousie qui me fit perdre la raison. Mes mains se mirent à trembler, bien malgré moi. Je saisis ce cadre qui devenait soudain mon pire ennemi et le fracassai violemment contre le sol.

Les débris de verre se dispersèrent en un bruit sec. Presque cristallin. 

Un bruit salvateur qui, soudain, me libérait. Me donnait l'illusion d'être le seul à pouvoir entrer dans sa vie. Les larmes me vinrent aux yeux.

Jusqu'à ce que je relève la tête.


Jusqu'à ce que je la voie.







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LE DINERWhere stories live. Discover now