Epilogue

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- William -


Harry hurle dans son micro, répondant à la puissance de la guitare et de la batterie qui jouent dans son dos. Les lumières dansent et électrisent, je suis incapable de cligner des yeux, par peur de rater une de ses puissantes expressions faciales, un de ses sourires sexy vers la foule ou un de ses clins d'œil dans ma direction.

Ce stade qui explose derrière moi après les barrières de sécurité, je ne l'entends même plus. Je reste là, complètement immobile au milieu des techniciens, mon badge autour du cou et le sourire immense, à le regarder dans toute sa splendeur et sa force.

S'il se doutait à quel point je l'admire, autant que j'admire mon père, pour leur façon bien différentes d'être des hommes extraordinaires tous les deux.

Un jour je le lui dirai, mais uniquement quand il acceptera de le croire.


~*~


Des bruits me tirent de mon sommeil, comme des sortes de grognements. Je perçois des souffles, même des coups.

Lorsque je me redresse en position assise, je ne me souviens plus de rien. Il me faut quelques secondes le temps que mes pensées se réorganisent, contemplant la luxueuse décoration de cette chambre plongée dans le noir.

La route. Les vacances. Les Hôtels.

Harry.

— Hey, Harry.

Inquiet de ce qu'il lui arrive, je m'assois rapidement sur le rebord de mon lit et tends le bras pour atteindre son corps parcouru de soubresauts. Il transpire, gémit, supplie, en lutte contre les forces invisibles de sa tête.

— Shhhh. Calme-toi.

Plusieurs fois le nom de mes parents jaillit à travers l'obscurité, preuve irréfutable de l'amour qu'il leur porte avec tellement de pudeur. Il les appelle comme pour qu'ils viennent le sortir de la souffrance dans laquelle il se trouve à cet instant. Cette vision m'est insupportable alors je décale ma main sur sa joue brulante et hausse la voix pour que tout s'arrête.

— Harry, réveille-toi.

Les spasmes cessent brusquement et ses yeux s'ouvrent dans le noir ; j'aperçois deux points blanc qui oscillent vite tandis qu'il reprend sa respiration.

— Will.

Mon nom est un souffle de soulagement, mais ça ne dure pas, il se redresse vite puis s'échappe dans la salle de bain. Moi j'ai baissé les yeux pour accompagner sa fuite et ne pas l'embarrasser davantage. Je ne dis rien, j'écoute simplement l'eau fraiche du lavabo qui coule et les comprimés qui glissent dans le tube. Un instant j'hésite à me rallonger et feindre le sommeil, mais il revient et s'assoit face à moi sur le lit jumeau, les coudes posés sur les genoux avec la tête rentrée dans les omoplates.

Le silence qui s'ensuit est l'un des plus intenses de ma vie, des plus émouvants aussi. J'écoute tout ce que cet homme est incapable de me dire et je lui réponds moi aussi.

C'est pas grave. On s'en cogne de ça. Ça change rien. Jamais ça n'affectera ta force ni l'image que je peux bien avoir de toi.

Sa main tremble, il fumerait déjà si nous n'étions pas à l'intérieur. À la place, il se voute un peu plus et la glisse dans ses cheveux humides.

— Tu fais des cauchemars Will ?

La façon dont il me le demande, avec cette voix chevrotante, n'est pas anodine. Mon cœur a cessé de battre et je m'avance le plus que je peux sur mon matelas pour me rapprocher de ses genoux.

— Non, presque jamais. Ou... pour des trucs pas importants, je les oublie tout de suite quand je me réveille. C'est des petits cauchemars.

Il hoche la tête mais sa respiration s'accélère de seconde en seconde, le nez toujours baissé entre ses jambes écartées.

— Des mauvaises pensées, sur tout et rien, t'en as parfois ? T'es furieux d'un seul coup sans aucune raison ? T'as mal sans comprendre pourquoi ?

— Non, je...

— Tu le dirais à tes parents si plus tard ça t'arrivait ? Jure-moi que tu leurs diras. Jure Will.

— Je te le jure Harry.

Le frisson qui le parcourt est si puissant que j'arrive à le discerner dans le noir. N'y tenant plus, je me penche vers lui et enserre sa tête de mon coude, posant doucement mon front sur le sien. Son corps se crispe mais je ne lâche pas, je ne bouge pas, jusqu'à ce que ses deux mains viennent tenir fort mes tempes.

C'est comme ça qu'il me l'aura finalement avoué. À demi-mots, difficilement, au milieu d'intenses émotions. C'est si fort et je n'en attendais pas moins de lui, ma déception aurait été immense s'il m'avait juste assis sur un canapé en joignant les mains, la voix sérieuse. C'est dit et je ne crois pas que nous en reparlerons après cet instant, car ça le renverrai inutilement à sa culpabilité alors que je n'ai pas besoin d'explications, j'ai déjà compris.

Harry ne sera pas mon père. Il ne veut pas l'être parce que le sien l'a abandonné et qu'à ses yeux la paternité est synonyme de haine et de souffrance. Ce besoin il ne le ressent pas, ne l'a pas au fond de ses tripes. Lui ce dont il a besoin c'est de prendre sa revanche sur ceux qui l'ont laissé, écrasé, blessé ; hurler dans son micro comme il leur hurlerait à la gueule, leur montrant quel roi du monde il est devenu. C'est pour ça qu'il vit et ça ne laisse que peu de place pour le reste, y compris mes parents ou ma sœur et moi. Nous le savons ça.

Alors oui s'il n'y avait que lui, moi aussi j'imagine que j'aurais souffert le martyre, mais un père j'en ai déjà un, le plus génial qui soit, alors je n'attends rien d'Harry, au contraire, je prends avec plaisir tout ce qu'il est prêt à offrir, comme ces petites marques d'amour de père que j'arrive à dénicher. Ça peut prendre plusieurs formes, comme celle d'un très gros historique de navigation de la nuit blanche qu'il a passé à lire les derniers articles sur l'hérédité des troubles mentaux et les avancées pour mieux les traiter. Ça peut se lire sur les comptes bloqués de mes études, dans les cadeaux dont il nous couvre et les destinations paradisiaques où il nous envoie pour que je ne manque jamais de rien et sois heureux. Ça se voit même dans ses grognements et ses injures quand on l'emmerde ou le touche, qui n'en sont pas des vrais parce qu'à ce moment-là il avait justement envie qu'on l'emmerde ou le touche.

Harry ne sera pas mon père, il sera juste lui et ça me suffit. C'est comme ça qu'il nous rend heureux. D'ailleurs j'ai hâte de croiser la personne qui me fera briller les yeux autant que leurs trois paires d'yeux brillent lorsqu'ils se regardent. La, les deux, voire même les douze peu importe je m'en fous, j'ai juste hâte de crever d'amour moi aussi, de vivre les mêmes émotions, les mêmes aventures, et tout ça en me contrefoutant royalement des règles ou de ce que les autres peuvent bien penser.

 La, les deux, voire même les douze peu importe je m'en fous, j'ai juste hâte de crever d'amour moi aussi, de vivre les mêmes émotions, les mêmes aventures, et tout ça en me contrefoutant royalement des règles ou de ce que les autres peuvent bien ...

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No Rules ║Feel Alive - T3Where stories live. Discover now