Détruire

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- Maddie -


Ma vie bascule encore, là, à cet instant, quand ma besace de voyage en cuir tombe au sol et que mon regard se pose sur mon lit.

Jérôme vient de bondir hors des draps, nu et transpirant, en y abandonnant une plantureuse jeune femme au visage horrifié. Il approche de moi, les paumes ouvertes, commençant déjà à essayer de me vomir des excuses, mais je leur tourne le dos et quitte la chambre. Dans le couloir Bali notre chat noir trottine vivement entre mes bottines pour me rattraper, tout content de me revoir lui au moins ; je me penche le ramasser d'un bras puis finis de traverser mon salon.

La porte claque sur nous, s'en est fini.

Je ne suis même plus surprise.

Un de plus à m'avoir trompée. Un de plus à m'avoir volé de précieuses années. Un de plus à m'avoir bousillée.

~*~

— Ma puce, tu veux que je passe ?

— Non, ça va aller. Je vais bien. Tu sais comme je suis forte, je l'emmerde moi ce connard, je vais surement sortir en boite et me venger sur le mec le plus canon que je croise.

— T'as raison, rit-elle au bout du téléphone. Je ne connais pas de femme plus forte que toi.

— T'inquiète, je vais certainement pas pleurer cette enflure, c'est mal connaître la grande Maddie. Allez ma carriebazmati, je te laisse faut que trouve la plus outrageuse des robes à mettre.

Elle raccroche sur d'autres rires, moi je presse ma main sur ma bouche et m'effondre dans le canapé. Des larmes de colère et de douleur me transpercent, j'hoquète et me renvoie une grosse rasade de whisky à même le goulot, m'enveloppant dans le plaid de la chambre d'amis de mes parents.

Pourquoi ça fait si mal ? Pourquoi ma vie toute entière n'est-elle remplie que de souffrances et de déceptions ? Pourquoi n'ai-je pas le droit au bonheur comme les autres ? même l'espace de quelques mois ?

Je suis fatiguée, tellement fatiguée, et j'ai mal.

~*~

Carrie ne vient presque plus à la galerie, elle reste chez elle à élever son adorable petite tête blonde. Souvent elle me demande de venir les voir mais je prétexte trop de travail ou des vernissages surprises pour ne pas y aller.

La vérité c'est que je ne supporte pas de me tenir dans leur cocon de bonheur, d'assister à leur vie parfaite. Chaque fois que je vois Carrie bercer William contre sa poitrine, que je vois Louis se pencher les embrasser ou leur apporter tout ce qui lui est possible de leur apporter, que j'intercepte ses regards plein d'amour pour elle que l'on ne m'a jamais offert à moi, j'ai l'impression de mourir davantage, de me transformer en cendres.

J'ai honte de l'envier, si fort que ça me brule. Honte de désirer sa vie au point de ne même plus vouloir de la mienne. Honte d'être jalouse et de la détester parfois. C'est horrible.

Je suis horrible de toute façon, c'est évident, sinon les hommes se battraient pour moi aussi. J'aurais un homme qui m'aime à en mourir, qui ne penserait qu'à vouloir m'épouser et fonder une famille, et un autre homme qui meurt de m'aimer, quelque part dans la nature...

Mais non, moi je n'ai personne. Je suis toujours celle moins bien qu'une autre, celle que l'on trompe ou avec qui l'on s'amuse sans jamais quitter sa femme.

Je ne suis jamais celle que l'on veut traiter comme une princesse.

Peut-être suis-je trop grosse, ou trop rousse.

No Rules ║Feel Alive - T3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant