Espérer

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"C'est l'heure de rentrer je crois.

Ouep. Bien-bien l'heure même"


- Carrie -


Lentement, pas à pas, je pénètre dans ma villa. Les familiers parfums des bougies à la framboise remplacent les produits désinfectants. Les couleurs tout autour sont vives, il n'y a plus de blanc, mes nombreuses plantes remplissent les espaces. Churchill accueille notre retour par une flopée de sifflements et de cris enthousiastes.

Ça y est, nous sommes chez nous.

— Attention mon cœur.

Louis se faufile pour entrer, les bras chargés par le couffin vide et le carton du transat. Il dépose tout sur le canapé puis se moule contre moi pour nous embrasser, d'abord ma bouche, ensuite la tête blonde qui dépasse de l'écharpe de portage. Il semble si excité, si confiant, moi je suis terrifiée.

— Il n'y a qu'une chambre ici.

— Il n'en a pas besoin pour l'instant. Tes Yukas prennent plus de place que lui.

— Comment je vais le changer ?

— Sur le canapé, à l'ancienne.

— C'est humide ici, ça n'est pas grave ?

— Si notre espèce a survécu aux grottes, on devrait pouvoir s'en sortir.

À chaque fois j'acquiesce mollement, observant la pièce tout autour de moi. J'ai la sensation que mes poumons se resserrent, qu'il n'y a pas assez d'oxygène ici.

— Le bouton qui appelle les infirmières, il n'y en a pas.

— C'est vrai, j'avoue. On devrait en parler à ton propriétaire.

Voyant que je commence à respirer fort, presqu'aux bord des larmes, Louis extirpe le bébé de l'écharpe et le colle dans le creux de son cou.

— Celui qui heureusement ne s'appelle pas Marcel et moi-même, nous allons visiter la maison d'accord ? Pourquoi tu n'irais pas marcher un peu ? Aller voir si la petite voisine a bien arrosé le jardin ?

— Oui, dis-je nerveusement en écartant mes cheveux de mon visage, oui je ferai mieux d'aller voir.

— Super. Après ça je nous commande une grosse pizza.

— Oui. Oui d'accord.

Louis me sourit tendrement puis traverse le salon en direction de la chambre, j'en fais de même vers la véranda. Au passage, je ne manque pas de récupérer mon perroquet sur l'épaule, grattant ses plumes tandis que nous avançons dans mon jardin, ce cocon de verdure protecteur. Finalement je n'y jette à peine qu'un œil, me dirigeant instinctivement vers la remise. Un tas de poussière nous tombe dessus lorsque je force pour ouvrir la vieille porte de bois, Churchill s'ébroue en râlant. À l'intérieur, se dissimule mon petit univers dans le noir. Des toiles empilées, une fine pellicule de plâtre au sol, des pots de peintures éparpillés. J'en hume l'odeur à plein poumons puis dépose le Gris du Gabon au sommet du chevalet. Après ça, je soulève les toiles pour les regarder ou simplement les toucher du bout des doigts. Comme un fait exprès, une pile s'écroule au sol, mais pas n'importe laquelle, toutes celles où la couleur rouge flamboie ; les siennes, ses représentations.

Harry.

Du long de ma grossesse, il n'y a pas une semaine où je ne l'ai pas peint, du moins, retranscrit les émotions qui me parcouraient lorsque je pensais à lui. Chaque jour j'espérais. Chaque jour j'attendais que la sonnette retentisse, que des pas lourds crissent dans le gravier et qu'une odeur de cigarette emplisse l'air. J'ai espéré mais il n'est jamais revenu.

No Rules ║Feel Alive - T3Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt