Contrat

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- Carrie -

La peinture coule le long de sa peau en de fins sillons rouges qui se sectionnent ou se rassemblent, filent à toute vitesse ou descendent lentement, comme une blessure. Un frisson le parcourt, sa peau devient granuleuse, c'est magnifique. Je capture chaque instant avec l'appareil photo.

— Bordel bébé j'ai froid.

— Shhhhh.

— Tu casses les couilles !

— J'ai bientôt fini. Lou, verse un peu plus sur l'épaule.

Les sillons se gorgent à nouveau, le mouvement reprend ; cette danse, ce ballet envoûtant, rythmé par le bruit des gouttes tombant sur la porcelaine de la baignoire.

Plic. Ploc. Ploc. Plac.

Je zoome sur son avant-bras, cadre ses tatouages sombres, immortalise ce sang.

— J'ai un bout de ton boxer dans le champ, écarte un poil la main.

— Carrie merde !

— C'est bon, je l'ai.

Dernier grésillement, annonçant une nouvelle œuvre dans la boîte.

Harry nous grogne son agacement et nous traite de tous les noms pendant qu'il se rince de la peinture. Louis range le matériel avant de venir s'assoir contre moi, analysant les aperçus qui défilent sur le petit écran.

— T'as l'œil ma poupée, le cadrage et le focus sont top.

L'excitation s'est emparée de moi. Les clichés sont bons, vraiment bons. Ces trainées de sang sur les tatouages, la chair de poule rappelant le froid avant la mort, le poing crispé d'une bagarre. C'est criant d'émotion.

Dans ma tête le montage est déjà fait. Trois ou quatre impressions montées en tableaux dépareillés, noir et blanc sauf le sang, rehaussé par de la véritable peinture rouge épaisse qui donnera de la 3D. Geoffrey me les prendra pour sa galerie j'en suis sûre. Mes deux tableaux précédents se sont vendus en quelques semaines.

Bon, le fait que j'utilise assez souvent les garçons dans mes œuvres facilite les ventes j'en suis consciente. Est-ce que je devrais avoir honte d'utiliser leur petite renommée afin de faire grimper la mienne ?

T'as plaqué tes études, alors fais ce qu'il faut sinon c'est retour case départ.

Hors de question. Après mon abandon de la danse, cette case départ je l'ai déjà foulée.

— Mon cœur, me hèle Louis depuis la table de la chambre, agitant mon portable dans sa main.

Avant que l'appel ne soit manqué, il décroche.

— Bonjour Alison ! Comment allez-vous ?

Mon tendre sourire s'étire tandis que j'écarte le matériel de mes jambes pour me relever. Louis écoute avec plaisir, ponctuant de quelques « mmh-mmh » « oh mais c'est génial » « oui tout se passe à merveille ici »

Je m'installe sur ses jambes et me love contre lui, écoutant ma mère de l'autre côté du téléphone.

— ... voyais les températures. C'est un très bel automne chez nous.

Non mais celle-là. Pourquoi prend-elle toujours cette voix quand elle lui parle, on dirait une dinde, une dinde qui roucoulerait en plus.

— Sinon. Tu veilles bien sur elle mon chéri hein ?

— Comme toujours.

— Vous vous amusez bien ?

— On s'éclate. Aujourd'hui c'est atelier peinture.

No Rules ║Feel Alive - T3Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora