- Arrête de me fixer comme ça, s'emporta-t-elle. C'est bon, Heden. Pas besoin de faire ta sainte nitouche de service. Comme si t'aurais pas fait pareille à ma place.

- J'aurai jamais fait un truc pareil, sifflai-je aussitôt, retrouvant quelque peu mes esprits. T'aurais été heureuse d'obtenir ton année en sachant que c'est juste parce que tu as écartée les cuisses ?

Cette fois, elle me fusilla du regard. Et je ne me détournai pas, l'affrontant sans sourciller. Si elle n'avait pas envie d'entendre ce genre de chose, elle aurait dû demander à notre mère de venir la récupérer. Qu'elle ne compte pas sur moi pour la mén... je me stoppai dans ma pensée, réalisant soudainement.

- Tu n'as rien dit à maman, pas vrai ?

Son regard noir se volatilisa brusquement et son souffle se coupa quelques secondes. Une courte seconde je crus sincèrement voir une once de honte l'effleurer, mais elle se détournait déjà, faisant passer ses longs cheveux derrière son épaule dans un geste magistrale.

- Non. Et elle n'a pas besoin d'être au courant.

Ah. A nouveau, les bras voulaient m'en tomber. Je mis une minute avant de remettre mes idées en place et articuler très lentement, détachant chaque mot :

- Pas besoin d'être au courant ? Tu te fou de moi, j'espère ?

- Pourquoi je la ferai s'inquiéter alors que tout va rentrer dans l'ordre dès l'année prochaine ? Assura-t-elle, totalement sereine. Je me réinscrirai en droit dans une fac française et je finirai mes études, voilà tout.

- En France ? Répétai-je, de plus en plus abasourdi. Je croyais que tu ne jurais que par tes chères Etats-Unis ? Et l'année prochaine ? Pourquoi l'année prochaine ?

- Parce qu'il est trop tard pour que je me réinscrive dans une fac dès cette année, expliqua-t-elle, en un énième haussement d'épaule. Et puis j'ai besoin de respirer un peu. Je me suis bouffée la vie ces dernières années, prendre quelques mois pour moi sera bénéfique. Mais maman ne comprendrait pas. Donc tu ne vas rien lui dire. Compris ?

Elle me toisa un instant, froidement. Je lui rendis son regard et l'affrontai un long moment avant de me détourner sans répondre. Machinalement, je tournai les clés pour faire démarrer le moteur qui ronronna aussitôt, occupant le silence pesant que je laissai planer. J'appuyai sur la pédale et la voiture se déplaça lentement. Marie baissa la fenêtre, faisant frissonner ma peau lorsque le courant d'air glaçant se propagea dans l'habitacle mais je n'en fis pas la remarque, me contentant de regarder devant moi.

Marie avait toujours été volatile. Avec ces nombreuses conquêtes, bien évidemment, mais aussi avec tout le reste. Elle n'avait jamais pratiqué une activité plus de deux ans de suite. Elle n'avait jamais eu le même rêve d'avenir plus d'un mois de suite. Et, plus frappant encore, elle n'avait jamais cessé de papillonner entre les groupes. Marie était populaire. Extrêmement populaire. Et tout le monde l'appréciait. Mais elle, je doutai qu'elle n'ait réellement appréciée qui que ce soit. Ses soi-disant « meilleures amies » changeaient toutes les deux semaines et, d'un jour à l'autre, elle pouvait ne plus adresser la parole à quelqu'un avec qui elle parlait durant des heures le jour précédent. Cela avait toujours été ainsi. Elle avait besoin de changement. De changement perpétuel. Et cela ne m'avait jamais inquiété. Après tout, elle semblait heureuse ainsi, alors pourquoi aurais-je trouvé cela dérangeant ? Mais aujourd'hui ce n'était plus le cas.

Ce comportement était dangereux. Dangereux pour elle. Elle n'avait jamais grandit. Jamais apprit à grandir. Elle avait toujours été dans des situations où elle obtenait ce qu'elle désirait. Peu importait comment elle agissait. Elle pouvait changer à sa guise et la situation tournait systématiquement en sa faveur. Elle ne savait pas être raisonnable. Elle ne savait pas réaliser quand tout lui échappait.

Neither good nor badWhere stories live. Discover now