L'entrée.

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Dans l'univers,deux destins mis en parallèle.

D'un côté on a 1992,la rentrée de septembre.Cédric n'avait même pas pris la peine d'y emménager la veille et d'y faire les rencontres qui seront décisives.L'anecdote du t-shirt marsupilami m'avait si profondément marquée que c'est bien la troisième fois que je la mentionne.Je chercherai de vue un mâle portant ce t-shirt et je penserais que ce sera l'homme de ma vie.Si il arrive avec ça je me rapproche direct.

C'est ce qui s'est passé avec lui,il avait beau être dans un élevage spécialement conçu pour les génies comme lui,l'école qu'il fallait que tu fasses Cédric et j'en suis sûre tu l'auras,il rasait les murs.Il avait peur,mais une peur qu'il n'osait plus s'avouer,il était trop grand,il avait réussi un oral pourtant.

A l'autre bout du lycée deux groupes d'amis distincts l'observaient.Une grande rousse qui ne le connaissait pas habillée en vert et qui le suivait du regard depuis son perchoir dans les escaliers,avec son ami du lycée qui avait fait le chemin avec elle,qui avait reçu les louanges des professeurs avec elle,qui était venu avec elle,Dimitri,avec son air slave,ses grandes lunettes,ses cheveux blonds,sa grande bouche,le Dimitri qu'on a surnommé uniformément ici:

Dimitri=prénom

de la race aryenne=nom de famille.

Et de l'autre t'as celui qui a fais le pas en premier.Celui qui lui avait commencé à lui parler depuis quelques temps avant la fin de la prépa,se disant que tout seul ce garçon devait trouver le temps long,et il est venu le prendre par la main et l'emmener vers demain.Même si je sais que les choses ne se passent jamais comme ça dans notre réalité,je ne peux tout simplement pas imaginer la scène autrement.Il a dû venir le voir et amadouer,créer le contact avec quelqu'un qui n'en avait aucun.Je ne sais pas comment ça s'est passé.Je dirais que ça s'est passé comme ça:Des saluts hésitants auquel il avait consenti à répondre.

C'était le voisin de son pote 'Igor de l'autre MP'. Il le connaissait même pas,il savait même pas qu'ils étaient dans le même lycée.Les anciens de Louis Le Grand il aura largement le temps de les découvrir,petit à petit,au détour des soirées.

-Mais oui on est en cours ensemble,n'est-ce pas?

Je la connais depuis toute petite ma Gersende,c'était émilie.Ma littéraire rousse.Je n'en avais pas besoin d'une nouvelle.

Gersende et Dimitri pourtant furent encore plus extravertis.Ils n'avaient aucun lien avec l'univers mathématiques mais ils partageaient les mêmes tables à la cantine,à la bibliothèque.

Ils allaient se rapprocher avant lui et tout allait converger vers ce garçon tout en hauteur et pourtant si petit.Elle est allée vers lui et a tenté de tisser les liens avec une spontanéité désarmante,qui prenait totalement le Cédric au dépourvu.

Ils ont raconté alors comment ils en étaient arrivés là.Elle en cubant,lui ne s'embarrassant pas de cette année superflue.Je n'ai même pas la capacité morale d'imaginer un dialogue entre les deux,pourtant je sais qu'ils ont existé.Je sais qui ils furent.Je sais qu'ils ont précisé d'entrée de jeu la nationalité de leur nom de famille quand Cédric leur a demandé.Je me trouvais à l'endroit où cette scène s'était déroulée et alors que je pourrais m'effondrer de lassitude,cela suffisait à mon bonheur et j'en ai même informé mes amies,dans une salle toute en vitre et en chaise haute et métallique.Une autre étudiante aux cheveux frisés avec un foulard bleu à pois jaune cherchait un endroit où manger et a posé son plateau avant de s'asseoir,n'imaginant pas autre chose que mon assentiment,alors que nos styles vestimentaires étaient si semblables.J'ai refusé,et blessée elle est partie manger assise en tailleur,je suis allée la voir et je lui ai dis de revenir,que de toute façon je ne mangeais même pas et qu'elle pouvait même finir mon coca si elle voulait,coca qui se trouve dans des serviettes restées collées au fond de mon sac,je devais l'intriguer avec mon manège.

De l'autre,on a 2013,et ma propre histoire.Rien qui  va changer pour moi,il faudra attendre 4 ans pour que ma vie bascule.Je m'étais refusée au changement,comme lui,et j'ignorais encore si j'allais y succomber.Je partais du principe qu' émilie et Mathilde me suivraient ici comme Chen a suivi Cédric.Si je ne renonçai pas à lui c'était tout simplement que je n'étais pas prête à avouer à qui que ce soit la vérité me concernant.Alors je m'identifiais à cette vieille  Chen aux longues robes en pulls gris et aux collants déchirés.

Et moi aussi je rasais les murs,mais avec une fierté telle que personne en une semaine n'était venue me chercher.Je profitais des récrés pour téléphoner aux filles dont les excuses plates à base de déjà les premières colles ne me suffisaient plus.Alors que pourtant je rejetais malgré moi de littérales invitations en amis presque malgré moi.De toute façon ça n'allait pas améliorer ma vie.Avec l'aide des autres,ou sans,ma vie allait être une victoire,une fête,un destin d'exception parce que j'étais biologiquement un être d'exception.C'est pourquoi j'avais une telle pitié de tous les autres jeunes adultes qui se retrouvaient dans ma situation:ils n'avaient pas cette excuse.

Deux années qui viendront en parallèle,deux histoires qui vont vous être racontées simultanément,21 ans d'écart.

J'ai un journal intime.Des fois ça me prend et j'écris dedans et j'y reviens,et je trouve un titre pour le chapitre comme si c'était un vrai bouquin.J'ai trouvé que l'entrée était un titre bien approprié.

Donc,d'un côté on a 1992 et un jeune homme qui ne sait pas encore ce qui va lui arriver.Où il passe la première année sans s'être résolu à évoluer socialement,on est encore jeune à 19 ans,moi même,je ne m'y prépare toujours pas.Je suis juste émerveillée par le cadre,par la beauté des gens,et surtout,par un univers qui dorlote autant les mordus de mathématiques.

Je rentrais chez moi et je profitais alors du temps qu'il me restait pour enfin voir le temps des gitans en version longue...Pendant que mes amies faisaient leurs devoirs.

RébeccaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant