Barcelone-Tel aviv

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C'était la première fois qu'Anna se rendait dans ces deux destinations où j'avais toujours rêvé de traîner mon amie émilie.L'éternité de cette année de lycée,seule que j'étais,m'avait été une épreuve.Pas à cause du travail que je devais fournir,ça les vacances ne m'arrêteront pas pour ça.Mais à cause de cette éternité de cours où je n'avais aucune source de divertissement en dehors de chez moi.Là c'était fini.Mes relations avec ma seule amie s'étaient considérablement amenuisées.Comme si nous étions un couple,les regards à la dérobée qu'on échangeait le soir en sortant du lycée avant de prendre nos vélos représentaient l'essentiel de mon existence.Mon crush?Non,ma meilleure amie.

J'ai pas arrêté de ruminer ça dans la voiture qui nous menait vers la frontière franco-espagnole.J'allais voir ce pays que j'aimais tant par la fenêtre de la voiture,guettant les réactions d'Anna,et c'était toujours cette même émotion que j'avais quand je retrouvais les paysages qui avaient marqué mon enfance,surtout quand le paysage en lui même est beau.Et ça me rappelle l'été de mes 13 ans où on avait fait une halte dans les Pyrhénnées.J'adorais regarder ma mère conduire,s'arrêter pour acheter de la bouffe à ma petite soeur,et toujours des trucs très originaux,genre un jus vegan goyave betterave ou du chocolat au thé vert.

-c'est du chocolat de ma planète?j'ai fait pour rigoler.

C'était tellement nulle qu'elles en sont restées perplexes.Il a fallu huit heures de route pour arriver là-bas,et en arrivant,comme d'habitude,j'écoutais fiesta pagana,et le jour de l'enterrement,alors que je déprimais,j'avais vu qu'une âme chérie avait fait un montage avec Clopinourson.

-je me lasserai jamais de cette ville,j'ai fait.

C'était notamment grâce à ça que je parlais si bien espagnol au lycée.Grâce aussi au fait de crapahuter dans les environs de la ville,avec une simple tente,discuter avec des gens et croiser des touristes français.Clara qui m'attendait dans la cage d'escalier de toutes ces petites ruelles qui s'entrelaçaient dans un ancien carrefour culturel,revoir les mêmes attractions touristiques qui provoquaient en moi toujours ce même sentiment de bien être.

Clara qui m'attendait dans la cage d'escalier de toutes ces petites ruelles qui s'entrelaçaient dans un ancien carrefour culturel,revoir les mêmes attractions touristiques qui provoquaient en moi toujours ce même sentiment de bien être

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-T'as tellement de chance d'habiter ici,j'ai fait à Clara comme à chaque fois que je venais ici.

Elle a rigolé,comme à chaque fois.

-Avec Pablo on a un local pas très loin,qu'on a ouvert avec quelques potes et on a commencé à former un groupe de musique,mais on a pas de nom.Tu veux aller voir?

-Oh,oui!

Elle est rentrée super-vite à l'appart et elle est ressortie en tenant un grand trousseau de clé porté par un gros pompom rose à tête sanguinolente et m'a emmené dans ce local séance tenante.Esthétiquement j'ai adoré l'endroit,on se croirait en Allemagne de l'est à la fin de la période du mur,avec ses gros canapés,ses murs en carrelage blanc recouverts d'une décoration punk et presque gothique.Et j'ai voulu voir le reste du groupe,j'ai insisté pour qu'il me fasse une démo,j'étais un peu déçue qu'ils chantent en anglais et pas en espagnol,et puis j'ai voulu peindre sur les murs puisqu'il paraît que tout le monde peut le faire.Oui,je ne change jamais.Et après,j'ai voulu qu'ils me traînent en balade.Alors que je venais ici presque tous les étés,je voulais voir comment la ville avait changé,elle m'avait tellement manqué en deux ans,et surtout,je voulais tout montrer à Anna,et surtout de nuit.Assise sur un banc de rue au milieu de la nuit sans que ma mère ne se soit inquiétée pour nous,Clara et son amie Paola étaient essoufflées,et elle m'a supplié de rentrer à la maison.Pendant ce temps,des étudiants finissaient leurs erasmus dans la joie et la bonne humeur.J'ai salué Paola et elle est rentrée chez elle.

J'aime cette ville,je l'aime à fond,je ne suis jamais aussi bien que quand je m'y rends en vacances.Regarder les gens boire,sentir le soleil qui me régénère telle une plante,les jeunes filles françaises qui ont traversé la frontière pour fêter leur bac ou leurs premières années de licence,la plage toute proche où on se baigne le soir,parfois jusqu'à une heure du matin.C'était mes moments préférés:descendre sur la plage privée des parties les plus touristiques de la ville,celles où les gens boivent sous des tentes avant de déssoûler,où commence un ruban de sable bordé de parasols aux belles couleurs sous une voûte étoilée préservée des lumières de la ville,avant que le silence ne recouvre tout malgré tout ce que nous voyions,et que nous tombions sur des silhouettes d'infrastructures abandonnées mystérieuses sous la lune.On y est resté trois semaines et puis c'était le moment de s'envoler pour Tel Aviv,pour un vol de cinq heures que ma mère craignait toujours de voir être victime d'un attentat dont elle n'aurait aucune chance de sortir vivante.Cette ville n'était pas une ville colonisée comme les autres.La ville était jeune,et beaucoup croyaient encore à la paix tout en ne voulant pas s'arrêter de vivre ici.La dernière fois que j'y étais allée remonte à 2006.En 2007,maman était allée voir sa fille Rosa en Espagne et était partie sans nous en Israël,on voulait partir au Canada,pays magnifique que ma mère avait toujours eu envie de voir en vrai.ici,les autres découvrent pour la première fois la quotidienneté de mon style vestimentaire,trop chaud pour ce temps,et je pars à la rencontre des cousins que j'avais vu l'année dernière,et ce voyage,ils semblaient l'avoir oublié,ils ne voulaient pas en parler,aucun progrès moral de leur part.La dernière fois que j'étais venue c'était en 2006 et ma mère m'avait presque défendue d'avoir un avis sur la question palestinienne,mais trois ans se sont passés.Je ne me sentais pas appartenir à ce pays,et si tu ne t'identifies pas à la nation ici alors tu n'es plus rien,du moins,c'est comme ça que je le ressentais,la réalité doit être différente.J'ai quand même passé du temps à faire les boutiques avec ma cousine,commençant à assortir le violet,le noir,le bleu canard,et passé l'appréhension irrationnelle des premiers jours,ce sont les vacances après tout,et puis tu aimais bien Haïfa.Et puis tu as intérêt à te détendre.L'été prochain tu vas la faire la préparation aux olympiades,tu ne pourrais pas revenir ici.Apprends un peu à te détendre.J'ai parlé de la proposition de ma prof de maths,comme moyen de briller un peu devant une famille qui se méfiait encore de mes infirmités.

-Impressionnant!Tu aurais dû suivre son conseil!

-Je sais mais je rentre en première à la rentrée et j'ai prévu de justement beaucoup travailler les maths...Je ne peux pas me contenter de ce qu'on nous apprend en première...j'ai fait en levant mon verre dans lequel j'ai trempé les lèvres.Je semblais les rendre fiers.

Il allait falloir rentrer bientôt,après ce début de dialogue.Anna,qui était assez pieuse,était déçue par tel aviv,c'était Jérusalem qu'elle voulait voir,alors le dernier jour,sa mère adoptive a voulu lui faire plaisir.J'étais contre,je n'aimais pas cette ville,mais Anna le voulait.A 9 ans,son enfance ressemblait à celle d'une sainte catholique,comparaison assez flatteuse en fait.

-Merci Sa...maman.

Je crois que c'est depuis ce jour que je me suis rapprochée d'elle.Je ne l'intégrais pas vraiment à la vie de la maison en ce début de lycée,elle était trop croyante,trop isolée,elle vivait avec ses fantômes et ma naturel extraterrestre l'effrayait.J'étais la seule fille de Sarah et ça l'intimidait.Je ne la croisais même pas au repas,c'est tout juste si je me souviens avoir regardé avec elle la finale de Trop bien la star.Mais à Jérusalem,c'était différent,on partageait vraiment quelque chose.Sa foi elle-même l'oppressait,alors je ne comprends vraiment pas ceux qui vivent ici.Quand on est rentré,doucement en voiture,elle a pleuré et c'était normal,et elle s'est enfin mise à me parler.

RébeccaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant