Proloɢυe ✔

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Les larmes empêchent de voir, le deuil encore plus.
Jean-Marie Poupart

Dans le noir, je suis seule. Seule dans la pièce, seule dans la maison,... seule au monde.

J'esquisse un sourire amer en regardant autour de moi, ça fait longtemps que je ne me suis sentie seule de la sorte, je ne me rappelle même pas avoir éprouvé ce sentiment auparavant...

Lentement, je sors de mon sac un petit magnétophone rose et m'assieds à terre, dans un soupir, je le serre contre mon cœur. Doucement, et dans l'obscurité de la pièce, mon doigt effleure les boutons de l'appareil. Retrouvant enfin le bouton play, j'inspire puis j'appuie légèrement dessus et la voix chaleureuse et douce de ma mère raisonne dans toute la pièce :

« Félicia,

Si tu m'écoutes maintenant, c'est qu'on est plus là, ton père et moi. »

Je ferme les paupières en inspirant lourdement. Petit à petit des larmes s'échappent des coins de mes yeux et finissent leur course sur mes joues.

« J'aimerais te demander de ne pas pleurer, de sourire à chaque fois que tu penses à nous, mais ça serait cruel de ma part. Je n'ai pas perdu mes parents jeune et je n'ai pas vécu ce que tu es en train de vivre toi. Alors, pleure, pleure chérie, ça finira par passer. »

La voix de ma mère s'interrompt. Je secoue la tête, non, jamais ça ne passera.

Ma mère reprend, la voix rauque :

« Pleure un bon coup, puis sèche tes larmes, et relève-toi vite. Ne perds pas de temps, il est compté dorénavant. Chérie, je sais que tu es perdue, je te promets que tu auras des explications le moment venu, tu peux me croire.

« Je sais que tu as peur, on est plus là Papa et moi pour te serrer contre nous, pour te rassurer, pour te dire que tout ira bien. Non, maintenant tu es seule, tu te relèveras seule, sans tendre la main à personne, tu marcheras seule, sans un seul regard derrière toi, je ne veux pas te voir venir pleurer sur ma tombe chaque jour, jusqu'à ta mort.

« Félicia Stéphanie Hal, j'ai conscience que ce que je te demande est dur chérie, j'ai conscience qu'en ce moment, tu es perdue, tu es désespérée, tu es... »

— Vide. je murmure.

« Vide. » fit ma mère à son tour. Elle continue, après avoir pris une longue inspiration :

« Mais tu n'es pas en sécurité ici. Tu n'es pas en sécurité tant que les médias te couvent à chaque pas. Et après notre mort, tu seras encore plus suivie. Les médias ne sont que des vautours qui se nourrissent sur les cadavres et les dépouilles. Tu n'es pas en sécurité en étant Félicia, la jeune et talentueuse ballerine qui a surpris le monde, qui s'est dégotée une place dans la célébrité, grâce à des pirouettes et des arabesques, des allegras... ah non, c'est « allegros » c'est ça ? Tu sais que j'oublie toujours ce mot ! »

J'acquiesce un sourire triste, et hoche la tête, comme si elle était là devant moi.

Ma mère laisse échapper un petit rire, avant de soupirer profondément.

« Enfin, bref. Ce que je veux dire chérie, c'est que tu n'es pas en sécurité ici à Los Angeles. »

Ma mère se tait. Je n'arrive à entendre que sa respiration. Puis une deuxième voix provient du magnétophone et résonne dans la pièce :

— « Maman, tu n'as pas vu le chapeau de Sam ? »

Ma propre voix.

J'étais donc là quand ma mère enregistrait ce message ?

Ride up BabyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant