L'envie d'aimer - Tome 1

Lysa -2-

Dans les griffes des embouteillages matinaux, le volume de la musique monte à son maximum sous ma main. Ma vocalise mêlée aux accords tonitruants, se transforme en un mélange chaotique d'agressions sonores, destiné à étouffer le récit détaillé de Julie. Quand enfin le silence s'installe, je profite de ce répit pour diminuer le son, dans l'espoir qu'elle mette un terme à ses délires intimes.

Jetant un regard rapide dans le rétroviseur, clignotant enclenché, je presse le champignon de mon vieux tacot pour me fondre dans le flot de la circulation. Sans prévenir, une voiture de sport surgit, me coupe imprudemment la route. Un battement de cœur manqué, et c'est un coup de volant instinctif qui m'écarte d'une collision imminente.

— Espèce d'idiot ! Tu ferais mieux d'avoir la direction incrustée dans ton cul !

Amusée, Julie se laisse aller à un éclat de rire face aux mots doux de mon côté démon. Sa bonne humeur tranquillise mes nerfs tendus, parant de justesse à un arrêt cardiaque. Son chic réside dans sa capacité à me redonner le sourire, peu importe la situation ou les circonstances, agit tel un baume apaisant, un antidote à ma douleur.

Son doigt pointe le véhicule du chauffard, repérable de loin sur le parking de la maison de la presse.

— Tiens donc, Lysa, regarde qui voilà. Et si tu entamais la phase de séduction ? Il pourrait représenter un partenaire potentiel.

— Permets-moi d'abord de comparer nos points communs et nous en reparlons plus tard.

— Arrête de renoncer à l'existence que tu mérites. Il est temps de tourner la page sur ton ancienne vie.

Trop facile à dire. Suivre ses conseils ne relève pas de la simplicité. Sa croyance illimitée en elle-même l'entraine dans un quotidien aussi tumultueux que l'agence tous risques. Moi, j'évite les désagréments, ne m'autorise pas à l'erreur. Je ne partage pas son aisance à se jeter dans la mêlée de la vie. Et mon apparence physique ne rivalise pas avec l'attrait de Julie qui poursuit :

— Regarde, dans ton groupe de parole, tu travaillais sur l'introspection ; je veux, je désire, je souhaite. Ne voudrais-tu pas retrouver la confiance en toi ?

— Pour info, le groupe de parole que je ne fréquente plus, insistait sur la nécessité pour les femmes de retrouver leur place dans la société et de développer des activités personnelles et professionnelles. Je travaille, je possède un appart, je pratique un sport ; voilà, ma reconstruction.

Mon emploi du temps, réglé au millimètre tel du papier à musique caractérise mes journées. Aucune relation factice, je suis dévouée à mon métier, ne change jamais de tâches. J'ai depuis toujours sélectionné mes priorités. Mon dur labeur poursuit un but : œuvrer pour ne pas penser.

Elle réagit avec exaspération, énumérant sur ses doigts manucurés, les versants qu'elle juge insuffisants.

— Tu travailles sans vie sociale, ton habitation ressemble un véritable bunker, et pour le tennis, je dois te traîner de force. Il n'est plus possible pour toi de maintenir ce rôle de victime, Lysa. Ta relation est terminée depuis un an ! Abandonne cette culpabilité. Ce qui s'est passé relève de sa faute. Il est temps de laisser le mauvais derrière toi, de regarder vers l'avenir, vers ce qui t'attend de meilleur !