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La rosée de son matin réveilla très doucement Emma. Sa position inconfortable ne l'avait, semble-t-il, pas empêchée de s'endormir un peu face à la fatigue au milieu de la nuit.

Quand elle eut ouvert les yeux, elle remarqua que Michael avait disparu, sûrement était-il retourné dans sa tente quand il était sorti de son malaise.
Lui en voulait-elle ?
Elle n'en savait rien, mais ne regrettait rien. Il était important qu'elle lui montre enfin, ce qu'elle pouvait bien ressentir, pour qu'il réalise enfin que son silence n'était pas un rejet, mais une bataille.

La trace de sa main somnolente était encore dessinée dans le sable, et elle resta fixée sur ce point fixe, frustrée.
Réfléchissant encore, et encore, à ce qu'il s'était passé. L'avait-elle fait souffrir autant que ça durant tout ce temps ? Sûrement. Mais elle n'y était pour rien, elle le savait bien, et il le saurait s'il le l'avait pas encore compris.

Quelques mouvements se firent entendre dans quelques tentes. Cette micro population devait être en train de se réveiller. Et elle vit juste.
Quelques serviteurs commençaient à sortir, et à se mettre directement à la tâche de réveiller les autres, et de réalimenter le feu. Quelle menace peut bien peser sur ses épaules, ou quelles croyances, pour que lorsque l'on se réveille, l'on se mette directement au travail pour un autre d'une telle manière ? Se demandait-elle.

Son corps tout entier se crispa, lorsque qu'elle vit la demoiselle de la veille se diriger vers la tente de Michael, et même y entrer. Que pouvait-elle faire à part prier.

- Emma ! La saluait Ojko.

Elle tourna son visage face à lui, et ne lui offrit qu'un regard froid plein de colère.

- Ne sois pas si rancunière. Michael sera facile à reconquérir, si je romps l'emprise que j'ai sur lui.

- Je le sais bien, tu ne m'apprends rien de bien surprenant.

- Mais, pour cela, il faudrait que tu acceptes mon projet.

Emma se pencha le plus qu'elle put vers lui, les yeux grand ouverts, les pensées dédaigneuses.

- Je n'accepterais pas.

- Tu accepteras. La contredisait-il en se relevant du sol sur lequel il s'était assis.

Au même moment, Michael sortit de sa tente, accompagné de la jeune femme qui s'y était introduit quelques minutes auparavant. Le regard de Michael croisa directement celui d'Emma, et il le rabaissa, les yeux pleins de lueurs, comme la tristesse, la honte, la culpabilité, l'hésitation.

- Michael ! Le saluait Ojko en venant lui offrir une accolade.

- Bonjour. Lui répondît Michael avec un faible sourire.

- Comment te sens-tu ? Lui demandait-il tout joyeux.

Michael laissa son regard glisser sur Emma, avant de le rabattre sur Ojko, déstabilisé.

- Ça va.

- Je vois que tu t'es plus familiarisé avec Neptune. Lui disait-il en parlant de sa servante.

- Oh, si on veut. Répondît-il gêné.

- Je suis sûr qu'elle t'apprécie aussi. Lui chuchotait-il amusé.

Michael était plus embarrassé que timide. Emma malgré toutes ses certitudes, commençait à perdre le moral à ce spectacle, moral qui était également alimenté par sa fatigue.
Alors, trop épuisée physiquement et psychiquement, elle laissa pendre légèrement sa tête en avant, ne voyant que le sol, puis fermant les yeux.

Michael remarqua son changement de position, et il s'inquiéta. Sa maîtresse n'était pas habituellement en proie à la fatigue, voire jamais en réalité. Elle faisait toujours preuve de solidité, de sagesse, de force, mais pas là. Là elle semblait faible, vulnérable, mélancolique, et même morte de l'intérieur.

- Ojko ? L'interpella Michael.

- Oui mon garçon.

- Je crois qu'Emma ne va pas bien.

- Eh bien, qu'elle pique un somme ! Lui répondît Ojko avant de partir.

Alors Michael resta seul, retournant son regard vers Emma, qui ne bougeait plus d'un poil.
Il alla dans sa direction, et s'assit devant elle, lentement, la scrutant très inquiet, sans qu'elle ne remarque rien.

Michael regarda autour de lui, les serviteurs qui semblaient bien occupés, et distraits par les tâches qu'ils accomplissaient.
Alors, moins hésitant, Michael se concentra, maintenant en tailleur, sur l'espace autour de lui, pour faire jaillir son rayon, et le faire parvenir à Emma, qui semblait dépourvue de tout. Il fut attentif à ce qui l'entourait, aux sons, ne se laissant déconcentrer, et les acceptant ; à l'air, qui s'agitait comme un drap sur son visage ; et même au sol, sur lequel il reposait, et qui semblait être le plus solide de tous.

Lorsque le rayon s'insinua dans la poitrine d'Emma, elle ouvra simplement les yeux, d'une lenteur raisonnable. En sentant ses membres parcourut d'une légère adrénaline, partant des battements de son cœur, et se diffusant dans le reste de son corps, comme le sang se répand dans les veines.

Faiblement, elle releva son visage, perdue, et vit Michael en tailleur, concentré. Pour la première fois de sa vie, elle vit en lui, de la sagesse. Était-ce le commencement de sa compréhension ?
C'était un enfant, un bébé mature à cette échelle, et elle laissa rouler à vive allure, une larme sur sa joue gauche, qui exprimait, l'assouvissement de son vouloir de lui transmettre, depuis le début, non pas la connaissance, mais la capacité de scinder ses sens, pour faire ou devenir quelque chose de plus grand. Un pouvoir.

La WeyterWhere stories live. Discover now