IX : Où Rosalie évente le mystère

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À l'entente de cette déclaration plutôt singulière, Lyndia Wilbur suffoqua tandis que Rosalie Leclercq opinait du chef, un sourire en coin. Plus sereine que jamais, elle invita Catherine à se calmer. La pauvre sanglotait :

- Je n'y crois pas... Je n'y crois pas...
- Allons, allons, repose-toi. Es-tu sûre de ce que tu viens de dire?
- Ou-oui... Papa me l'a dit...
- Parfait. Ne t'inquiète pas, je comprends que tu sois troublée, mais ça ne durera plus longtemps, car je vais tout expliquer... Tu viens de me confirmer la dernière pièce de ce casse-tête!

Puis, se tournant vers Lyndia :

- Pourrais-tu aller chercher Andrew Dawkins et la señorita Anna, s'il te plaît? Le reste n'a pas à être mêlé à cette affaire...

Wilbur s'en fut vers la pièce du Money Exchange, toujours interloquée. Il faisait beau pour une journée d'octobre, quoique ce fût frisquet. Rosalie et Catherine s'assirent à l'extrémité droite des marches d'escaliers qui menaient au port, où les bateaux défilaient sans relâche. Catherine grelottait.

- As-tu tes bagages avec toi? s'enquit la nouvellement attentionnée Rosalie.
- Oh... non... Je les ai laissés avec mon père.
- D'accord.

La détective prit deux châles de sa propre malle, en déposa un sur ses épaules et offrit l'autre à Catherine. L'Anglaise s'en couvrit le dos.

- Merci.
Parmi la foule d'immigrants qui se déversait continuellement du bâtiment austère d'Ellis Island, elles aperçurent trois têtes familières s'y engouffrer et en sortir presque aussitôt. Anna, Andrew et Lyndia les rejoignirent dans les escaliers. Rosalie prit une grande respiration avant de se lancer dans son discours. C'était son instant favori dans les romans policiers, celui où, avec emphase et un trémolo dans la voix, l'enquêteur énumérait chacune de ses réflexions pour arriver à la vraie conclusion, pile à la fin du chapitre. Il fallait en être digne, vraiment. Choisir ses mots. Disperser les détails cruciaux. Laisser durer le suspense. Mais ses auditeurs s'impatientaieng, alors au diable la grandiloquence; Rosalie commença :

- Notre bref séjour sur cette île se termine, mon enquête aussi. Je tâcherai de vous expliquer le tout de la manière la plus claire et la plus concise, mais ce sera ardu. Comme vous le savez, j'ai deviné qu'Oliver Williams ne s'était pas suicidé mais avait été tué, grâce à la balle perdue que j'ai trouvée, et qu'il a tirée tout juste avant de mourir dans le but de se défendre. Jusqu'ici, on pourrait assumer qu'il n'y a eu que lui et son agresseur, dans la salle à manger, et que ça n'a été qu'une question de vitesse pour presser la détente... Or, voilà le hic : comme me l'a indiqué Lyndia Wilbur ici présente, qui a elle-même découvert la scène de crime, la balle a atteint M Williams derrière la tête. Une balle assez grosse, d'ailleurs - de calibre 40, à peu près.

Catherine, qui suivait attentivement, conclut :

- Il y avait donc trois personnes!
- Exactement, trois personnes : un témoin, qui était face à la victime; la victime elle-même; et, derrière, le coupable. J'ai pu mettre un nom sur ce témoin : Isabetta Clemente. Elle a voulu voler Oliver Williams. Malheureusement, elle n'a pas souhaité nous révéler l'identité du meurtrier, ou alors elle ne la connait pas, simplement - c'est sans importance. Raisonnablement, je l'ai rayée de ma liste de suspects. Vous comprenez, jusqu'ici?

Andrew, Anna, Catherine et Lyndia firent signe que oui, ils suivaient.

» Je me suis aussi questionnée sur les autres suspects et leurs éventuels motifs : pour cela, j'ai commencé par les proches d'Oliver, sans oublier la possibilité du vol (voilà pourquoi j'ai plus tard focusé sur le cas d'Isabetta Clemente). D'abord, Catherine, sa femme depuis peu de temps, aurait très bien pu désirer le modeste héritage qu'Oliver lui lèguerait à son décès.

Meurtre à Ellis Islandحيث تعيش القصص. اكتشف الآن