Chapitre 14 - Des cendres du jour

98 12 35
                                    

7 décembre 2014, 14h59, Pôle Nord.

Ils marchèrent plusieurs heures sur la banquise. Malgré les inquiétudes de Charlie, ils ne croisèrent âme qui vive. L'excursion aurait presque pu être qualifiée de randonnée reposante - même si ses participants se sentaient tout sauf reposés, qu'ils ne s'autorisèrent pas une seconde à relâcher leur garde et que, la faute aux diverses blessures et aléas que le voyage leur avait imposés, ils nécessitèrent sans doute le double du temps habituel pour parcourir la distance qui les séparait du Pôle.

Enfin, ils arrivèrent.

Le Pôle - sommet du monde ; Victorine, Nathan et Léo, qui n'avaient jamais eu l'occasion de l'admirer, auraient sans doute avoué qu'ils avaient fantasmé une toute autre scène si leur imagination avait encore été en état de fonctionner. Un sol qui s'incurvait sous leurs pieds jusqu'au point donné, peut-être. Le monde qui se stoppait brusquement pour chuter dans l'inconnu. Quelque chose d'incroyable - de grandiose.

Ils furent accueillis par l'exacte même toundra plate et monocorde qui les avait accompagnés des heures durant. Pas de distorsion de l'espace, pas de trou noir, pas de fin du monde. Rien ne marquait la position du Pôle.

Rien, hormis le conduit d'une cheminée.

À peine assez large pour laisser passer une personne, construite tout en petites briques d'un rouge tomate séchée flamboyant. Le conduit paraissait à la fois parfaitement déplacé et confortablement fondu dans le décor - comme si, à le regarder, rien ne semblait plus normal que de trouver une cheminée plantée en plein milieu de l'Arctique. La sensation créée était insolite, légèrement vertigineuse.

Le conduit creusait la glace sans effort, à croire qu'il était présent depuis bien plus longtemps que la banquise et que c'était la neige qui s'était accumulée autour de lui, plutôt que l'inverse ; le tuyau descendait ensuite droit dans la terre, vers les tréfonds inconnus de la planète.

- Une cheminée ? souleva Victorine, son air d'ado blasé de retour dans ses yeux noirs. Du genre, sérieusement ?

- On y est, déclara Charlie en ignorant la remarque.

Il s'approcha du conduit, arme levée, en fit prudemment le tour, examina l'intérieur, puis baissa sa garde et lança :

- RAS.

Aussitôt, Judith déposa délicatement Nans au sol puis fit glisser son sac au bas de son épaule. Sous les regards intrigués de ses autres frères et sœurs, elle farfouilla à l'intérieur puis en extirpa un lot de cordes et de mousquetons qui fit hausser un sourcil perplexe aux plus jeunes Claus.

- Vous plaisantez, lâcha Nathan.

- Est-ce qu'on va descendre là-dedans ? s'ébahit Victorine. Vous êtes dingues ?

- Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'autre ? lui répondit Charlie, sans pouvoir empêcher un coin de sourire amusé de venir ruiner son air grave, alors que Judith distribuait le matériel parmi les six membres de la petite troupe. - Remémorez-vous vos leçons d'escalade. Ça va être le moment de les mettre en pratique.

- Plus ou moins, maugréa Judith. Vous allez rapidement vous apercevoir que cette descente relève plus du freestyle qu'autre chose.

Avec l'aide de Charlie, elle passa un harnais autour de Nans, dont les yeux résignés semblaient se préparer mentalement à l'effort qui allait suivre. Toujours incrédule, Nathan baissa le regard sur l'équipement qu'il avait en main, puis revint le poser sur ses aînés. Lui qui pensait qu'il avait tout vu et qu'il était au bout de ses surprises. Avec un soupir, il consentit à son tour à enfiler son harnachement - dans la périphérie de son champ de vision, Léo et Victorine l'imitèrent.

From Christmas with LoveDonde viven las historias. Descúbrelo ahora