Chapitre 8 - L'ombre dans l'eau

96 10 34
                                    

4 décembre 2014, dans la nuit, dans la neige.

Nathan récupéra le couteau enfoncé jusqu'à la garde dans le crâne noir et se jeta férocement à la suite de l'ombre qui détalait, une envie de meurtre coulant dans ses veines. En temps normal, la créature l'aurait distancé en moins de deux secondes, mais elle s'était pris une balle dans la patte et ne fusait plus avec la même fulgurance. Le jeune homme avala la distance qui les séparait en un éclair, mû par une énergie diabolique, resserra sa prise sur le manche de sa lame et sauta sur le monstre.

L'impact envoya celui-ci s'écraser sur le sol, emportant son agresseur dans sa chute. Nathan tint bon, bloqua la gorge de sa victime sous son coude et lui planta son couteau dans le flanc droit. La créature poussa un mugissement de bête blessée et se débattit avec une force renouvelée, mais la lame ne plongea qu'un peu plus profondément sous sa côte, fouillant et retournant la plaie.

Un coup de patte puissant parvint finalement à déloger le jeune homme. Nathan atterrit avec violence dans la neige, un peu sonné, esquiva aussitôt les griffes qui lacérèrent le sol à la place de son visage, roula sur lui-même et se remit sur ses pieds. S'il y avait une chose à éviter chez une ombre, c'était bien ses griffes. Quatre à chaque patte et longues comme une main humaine, elles étaient capable de trancher une tôle comme du simple papier de riz, mais surtout, elles étaient enduites d'un venin particulièrement nocif. Nathan avait conscience que si un seul de ces éperons le touchait, l'unique option qui s'offrirait à lui serait de mourir en se tordant de douleur. Pas le plus attrayant des programmes.

Le garçon extirpa un second couteau de sa ceinture, le premier étant resté fiché dans le flanc de l'ombre. Le monstre s'était retourné et brassait l'air dans sa direction. Il avait perdu en dynamisme et en précision : Nathan évita aisément ses coups. Une bonne réactivité et des appuis stables dans le sol, voilà ce qu'était la clef pour survivre à un combat quel qu'il soit, son père le lui avait toujours dit. D'un bond, il évita les griffes tranchantes de l'ombre ; d'un même geste, son arme se positionna entre ses doigts et il la jeta vers son ennemi.

La lame siffla dans l'air et se planta brutalement entre les deux yeux de la créature, droit sous la saillie de son os frontal. Emportée par la vitesse, celle-ci interrompit son mouvement, bascula vers l'arrière et s'effondra dans la neige.

Nathan patienta un instant pour être certain qu'elle ne bougerait plus, même s'il savait qu'elle était morte sur le coup. Il s'avança avec prudence vers le tas noir de fourrure sale, sans que rien ne remue. Satisfait, il relâcha sa garde, enjamba le corps et récupéra nonchalamment ses deux couteaux.

Le jeune homme possédait un attachement aussi certain qu'inexplicable aux armes blanches. Bien qu'on lui ait maintes fois répété que ce style de combat était plus périlleux que rentable et qu'il allait finir par se faire tuer avec ses « putains de conneries » (sic), il chérissait trop la fluidité des lames et l'intensité de leurs tranchants pour s'en défaire. Charlie et Judith s'étaient pourtant échinés à lui expliquer les désavantages de cette technique comparée aux armes à feu. Moins rapide, moins efficace, moins économe, plus dangereuse.

Mais bon Dieu, qu'est-ce que c'était jouissif.

Il avait perdu un gant dans le grabuge, ce qui pourrait devenir problématique à long terme s'il ne se montrait pas prudent ; pour l'instant, heureusement, l'adrénaline du combat lui permettait de faire abstraction du froid, et il décida de s'en accommoder jusqu'à ce qu'il trouve de quoi y remédier. Ses vêtements n'étaient pas non plus sortis indemnes de l'altercation : ils étaient si imbibés de sang noir qu'on aurait pu croire qu'il était tombé tout habillé dans la cuve d'encre de seiche entreposée dans l'atelier de son père - probablement irrécupérables. À compter du fait qu'ils ne finissent pas avec lui dans le ventre d'une ombre, bien sûr, suite à quoi la question ne se poserait plus.

From Christmas with LoveWhere stories live. Discover now