Chapitre 14

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"Je suis désolée..."

Ma voix sort en un couinement pathétique. Je peux sentir contre ma joue la sensation du tissus humide. J'ai détrempé ses vêtements en pleurant, et la honte fait brûler mes joues. Sa voix roule dans sa poitrine comme un ronronnement sourd.

"Dame Ambre, vous n'avez pas à vous excuser. Comment vous sentez vous ?

-J'ai mal à la tête... Mais mieux, je crois."

Je le repousse légèrement et il me relâche. Ses mains s'attardent un instant sur mes épaules, les pressant doucement en un geste réconfortant. Il a bien une large trace plus foncée sur son veston et la seule chose qui m'empêche de mourir de honte là, maintenant, tout de suite, c'est qu'au moins il n'y a pas de morve. Je n'y connais pas grand chose en mode masculine, mais je suis à peu près sûre que ses vêtements valent bien plus cher que mon argent de poche annuel.

"Merci.

-Vous n'avez pas non plus à me remercier. Je vous laisser téléphoner à votre amie."

Je hoche la tête et il disparaît entre les arbres, fredonnant comme si rien ne s'était passé et qu'il faisait simplement une petite promenade en forêt. Je ne suis toujours pas complètement sûre qu'il soit entièrement sain d'esprit, mais savoir que je peux compter sur lui me rassure. Il avait promis qu'il viendrait, et il l'a fait.

Je me secoue avant que mes pensées ne dérivent à nouveau vers Alban. Je ne comprends pas pourquoi il me veut du mal, pourquoi il m'a menti, mais pour le moment ma priorité c'est de rassurer Katia. J'y vois toujours plus clair avec elle, de toutes façons.

J'appuie sur son numéro. La sonnerie a à peine le temps de retentir une fois qu'elle décroche.

"Ambre ?!"

La panique dans sa voix m'arrache le coeur. Je me sens miteuse d'avoir pris le temps de pleurer comme une gamine alors qu'elle n'avait pas la moindre idée de si j'allais bien.

"Katia, je...

-C'est toi... C'est vraiment toi ! J'ai cru que tu..."

Sa voix s'étrangle, se fissure. C'est son tour de pleurer. Je serre mon téléphone entre mes doigts, à m'en faire blanchir les jointures. Je voudrais être à ses côtés pour la réconforter, la rassurer... Le mieux que je puisse faire c'est lui parler.

"Je... Je vais bien, j'ai eu peur mais je n'ai rien.

-J'ai cru... J'ai cru... Il allait tellement vite, je n'ai pas pu vous rattrapper... Je n'aurais jamais pu me pardonner s'il t'avait fait du mal...

-Il n'a rien pu me faire, il... Erebus est arrivé et il m'a défendu.

-Erebus ? Le... Le type de l'autre soir ?

-Oui, il m'a sauvé... Encore une fois. Il va me raccompagner, dis-moi où tu es.

-Chez moi... J'ai essayé d'appeler les flics mais ils ne m'ont pas cru alors je suis rentrée. Je ne savais pas quoi faire, et mes parents sont en réunion..."

L'amertume dans son ton est épaisse comme du goudron. La famille de Katia a toujours eu des problèmes avec la police, parce que ses parents militent contre le racisme et les brutalités policières... Ils ont essayé d'accuser son frère de dealer de la drogue plusieurs fois pour faire pression sur sa famille. Elle devait être vraiment désespérée si elle a décidé de faire appel à eux, et se faire rembarrer comme ça...

"J'arrive bientôt, d'accord ? Attends moi.

-D'accord. Dépêche toi, s'il te plaît. J'ai besoin d'être sûre que tu es saine et sauve.

-Promis. Je fais vite."

Un souffle saccadé m'échappe alors que je raccroche. Je n'irais pas jusqu'à dire que je suis relaxée, mais un peu de la tension qui m'habitait m'a quitté. Je glisse mon portable et mes lunettes dans mon sac, avant de me tourner dans la direction dans laquelle Erebus a disparu.

"Hm... E-erebus ?

-Vous m'avez appelé ?"

Sa voix résonne au creux de mon oreille et je fais un saut sur le côté. Je ne sais pas comment il a fait, mais il a réussi à se glisser derrière moi dans un silence parfait. Il rit, ses dents trop blanches luisant brièvement entre ses lèvres.

"Je m'excuse de vous avoir effrayée.

-Vous n'avez pas l'air désolé du tout."

Le clin d'oeil qu'il me fait pour toute réponse me donne presque envie de le gifler, mais je suis contente de le voir au fond. Je me contente de soupirer et de lever les yeux au ciel.

"Je suis prête... Est-ce que vous pourriez me raccompagner jusque chez mon amie ? Je ne veux pas abuser, mais je me sentirais plus rassurée... Si vous ne pouvez pas, j'irais seule, ça n'est pas très loin de chez moi, mais...

-Vous n'abusez pas, votre compagnie m'est un plaisir. Permettez ?"

Il se penche et me soulève comme si je ne pesais pas plus lourd qu'une plume. Un bras pour soutenir ma taille, l'autre sous mes genoux. À sa demande, je passe mes bras autour de son cou. Je me sens un peu comme une princesse portée comme ça. Je sais que je ne devrais pas penser à lui, pas tant que je n'ai pas fait le tri dans mes émotions, mais je ne peux pas m'en empêcher. Alban m'avait plutôt trimballée comme un sac à patates. Il ne m'avait pas fait mal, non. Mais c'était inconfortable et humiliant. Et pourtant...

Je ne devrais pas penser à lui.

"Êtes vous prête ?

-Je crois..."

Il s'élance dans les airs d'un seul bond, et je ne peux que resserrer mes bras autour de son cou et lui faire confiance. Là où Alban était comme des montagnes russes, Erebus est plutôt comme un tgv. Il court plus qu'il ne saute. Je me demande si son "style" est différent, ou s'il fait ça pour mon confort, mais quoi qu'il en soit, j'apprécie d'avantage le trajet.

"Je sais me rendre à votre demeure, mais il faudra que vous me guidiez jusqu'à celle de votre amie.

-Oh, à partir de là, je pourrais marcher... Ça n'est vraiment pas loin.

-Vos désirs sont des ordres."

Est-ce que c'est une pointe de déception que je ressens dans sa voix ? Non. Je dois me faire des idées. Après m'entendre répéter encore et encore que je suis spéciale et importante, je commence à m'imaginer que je suis au centre du monde.

J'ai hâte de revoir Katia. S'il y a quelqu'un qui sait booster ou dégonfler mon ego quand j'en ai besoin, c'est elle.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 10, 2018 ⏰

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l'Étreinte des TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant