Chapitre 11

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Je me réveille à même la moquette, le corps engourdi de crampes. J'ai mal partout, c'est comme si un train m'avait roulé dessus. Je me redresse avec un grognement. La tête me tourne, il me faut quelques secondes pour me réhabituer à la verticale. Est-ce que je suis encore tombée de mon lit cette... Non ! Les évènements de la veille me reviennent à l'esprit comme dans un flash. Le loup ! Je me relève tant bien que mal et me plaque à la fenêtre.

Rien. Pas de monstre, juste un parterre d'oeillets d'Inde écrasés comme seule preuve que je n'ai pas rêvé. Je m'habille rapidement, descendant quatre à quatre les escaliers. Je passe dans la cuisine et, après une seconde d'hésitation, j'attrape un des couteaux en céramique que ma mère a acheté récemment. On ne sait jamais. Je me doute bien que ça ne fera pas le poids contre la bête si elle décide de m'attaquer, surtout que ma connaissance du combat au couteau s'arrête au pelage de patates, mais ça a le mérite de calmer mon rythme cardiaque frénétique.

Le ciel est lourd, gris plomb. L'orage n'est pas loin. Le vent souffle à travers les arbres, m'entourant d'un bruissement perpétuel et inquiétant. Je m'avance jusqu'aux oeillets, mes yeux glissant de gauche à droite presque contre mon gré, mâchoires serrées. Par d'empreintes et pas de fourrure par terre, ça serait trop simple. Juste des tiges de fleurs pliées qui ne prouvent rien. Personne ne me croira... Et je ne suis pas sûre d'y croire moi-même.

"Ambre ?"

Je sursaute et fais volte-face... Ou plutôt, j'essaie de faire volte-face. Dans les faits, je cogne mon talon contre quelque chose de dur et je bascule en arrière, les fesses dans la gadoue. Merveilleux. Ma journée ne peut que s'améliorer. Je suppose que je devrais m'estimer heureuse de ne pas m'être blessée avec le couteau en tombant dessus...

"Qu'est-ce que tu fais par terre ?"

Katia me contemple, la tête penchée sur le côté, un petit sourire en coin étirant ses lèvres et plissant le coin de ses beaux yeux noirs. Elle porte une veste en jean par dessus un t-shirt Rammstein et une paire de leggings noirs, son cou protégé par une écharpe rayée arc-en-ciel. Je suis épuisée, terrifiée, couverte de terre, sa normalité et son air amusé sont comme des insultes. Mon ton est un peu plus abrupt que nécessaire quand je lui réponds :

"Je teste l'élasticité du sol, ça ne se voit pas ?"

Je regrette mes mots dès qu'ils ont quitté mes lèvres, mais il est trop tard pour les retenir. Le visage de mon amie se referme aussitôt, comme si je l'avais giflée.

"Ecoute, je sais que tu es fâchée à cause d'hier, mais si tu le prends sur ce ton, je remballe mes excuses et je m'en vais."

Hier ? Il me faut un instant pour réaliser qu'elle parle de notre dispute à propos d'Alban. La culpabilité me tord le ventre. Avec tout ce qui s'est passé, je l'avais complètement oubliée...

"Je suis désolée, Katia... Je... La soirée d'hier a été un peu dingue..."

Aussitôt, son expression se mue en inquiétude. Elle me tend la main pour m'aider à me relever et je la prends avec gratitude.

"Comment ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ?" Elle marque une pause. "Ambre. Pourquoi est-ce que tu te ballades avec les couteaux de ta mère ?

-C'est une longue histoire. Tu veux bien que j'ailles me changer ? Je te promets que je te raconte tout sur le chemin du lycée, d'accord ?"

Elle hoche la tête et le soulagement m'envahit. S'il y a bien une seule personne au monde qui peut me comprendre, une seule qui peut me croire, c'est bien elle. Je suis sûre que si je lui raconte l'Heure Floue, Erebus, le loup-garou... j'y verrais tout de suite plus clair. Katia a toujours les idées en place, elle, et elle ne panique pas aussi vite que moi.

l'Étreinte des TénèbresWhere stories live. Discover now