Chapitre 1

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La lune brille dans le ciel, ronde et blanche comme une perle. La forêt m'entoure de ses griffes noires, mais j'avance, la tête droite, ma robe blanche flotte derrière moi comme des ailes. Je n'ai pas peur. Je suis chez moi, reine au coeur de mon royaume sauvage, et je connais chaque arbre, chaque pierre, chaque brin d'herbe comme si nous étions de vieux amis. Je touche les troncs à mesure que je les croise, caressant la mousse du bout des doigts...

Une branche craque. Je me retourne, mes cheveux flottants comme une couronne d'or flamboyante, et je fais fasse à l'intru.

"Tout est fini pour toi, Sorcière..."

L'homme s'avance vers moi, son épée luit d'une lueur cruelle dans la pénombre. Un soldat de la ville voisine, au vu du blason qui orne son armure. La magie crépite au bout de mes doigts.

"Tout est fini ?" Mes lèvres s'étirent en un sourire. "Ne crois tu pas que tu m'enterres un peu vite, mortel ?"

Je rassemble mes forces et projette ma main en avant. L'air s'embrase, des flammes dorées l'enveloppent, lui et son arme. Je secoue la tête. Mon feu brûle jusqu'à la pierre, inutile de se débattre... Un rire m'échappe. Vraiment, les humains oublient trop souvent pour leur propre bien que sous mon apparence fragile se cache une puissance terrible !

Les flammes se dissipent et j'arrête de rire... L'homme se tient toujours là, indemne. Il lève la main, exhibant l'amulette d'argent qu'il tient serré au creux de sa paume.

"Tes sortilèges n'ont aucun pouvoir sur moi !"

Il avance, fendant l'air de son épée, et je recule lentement. Il exulte, la bave aux lèvres, ses yeux lui sortant presque de la tête. Fou comme un chien limier qui vient de goûter le sang de sa proie, il lève sa tête vers le ciel et hurle :

"Admets ta défaite, Sorcière ! Mets-toi à genoux et supplie-moi tant que tu le peux ! Tu es à ma merci, désarmée et seule !"

"Seule ?" Je recule jusqu'à ce que mon dos rencontre l'écorce d'un arbre.

J'entends derrière moi les branches craquer alors qu'une chose gigantesque passe au travers des buissons, détruisant tout obstacle sur son passage.

"Je ne suis jamais seule."

Une ombre immense se dessine sur le sol. La lune est pleine dans le ciel, et je souris à nouveau, un sourire féroce. Cette fois, c'est le soldat qui recule. Et le cri qui sort de sa bouche est un cri de terreur...

Je me réveille en sursaut, le corps trempé de sueur. Le soleil perce à travers le vasistas. Ma chambre est telle que je l'avais laissé hier, ma sacoche abandonnée par terre, mes devoirs sur mon bureau. Ni forêt, ni soldat. J'entends encore ses cris terrifiés résonner dans mes oreilles, ça avait l'air si réel...

C'est la troisième fois cette semaine que j'ai ce genre de cauchemars. Ça n'est jamais le même rêve mais à chaque fois j'ai les cheveux blonds, à chaque fois la lune est pleine, à chaque fois j'entends la chose énorme s'approcher et à chaque fois je me réveille avant de la voir...

Je n'ai parlé de ces cauchemars qu'à ma meilleur amie Katia pour le moment, j'ai peur que ma mère ne s'inquiète si je lui en parle. Elle dit toujours que je suis trop stressée et elle essaye de m'emmener à ses cours de yoga. J'aime bien le yoga mais la moyenne d'âge est de soixante-dix ans alors je me fais traiter un peu comme un bébé par le reste du groupe...

Enfin bref. Pas le temps de traîner au lit, j'ai cours aujourd'hui... Je me lève et je file à la douche. Je déteste être en retard.

Mon nom est Ambre et j'ai 17 ans. J'ai les cheveux bruns foncés et la peau très pâle. Je ne bronze pas, je brûle ! Je suis moyenne, 1m65, et vu que je suis un peu maigre, j'ai toujours l'air de flotter dans mes vêtements. Je déteste ça, ça me donne des airs de gamine, mais j'ai beau manger tartine de nutella sur tartine de Nutella, impossible de grossir un peu. Ma mère dit toujours que je suis très bien comme je suis, mais c'est pas elle qui a des bras en forme de pattes de poulet. Et puis c'est ma mère. Je pourrais enfiler un sac poubelle et aller me rouler dans la boue, elle me trouverait quand même "très bien comme je suis".

Bref, je suis tellement normale que personne ne me remarque jamais. je pourrais tout aussi bien être invisible. La seule chose différente chez moi, ce sont mes yeux. Ils sont dorés comme le miel. Selon la lumière, ils prennent des reflets presque rouges. On s'est souvent moqué de moi à cause d'eux et je me suis fait traitée de monstre bien des fois, alors j'ai supplié ma mère de m'acheter des lunettes. Derrière les verres et la grosse monture noire, les gens font moins attention à mes yeux et on me fait beaucoup moins de réflexions.

Alors que je me brosse les dents, mon téléphone portable vibre. C'est un texto de Katia.

K: [t'es debout ma belle ?]

A: [yup, je me prépare.]

K: [OK on se retrouve au bus ou je viens te chercher ?]

A: [rdv au bus, bisous ma puce !]

J'ai intérêt à me dépêcher, parce que Katia déteste être en retard encore plus que moi. Je pense que si on la laissait faire, elle dormirait au lycée, sérieusement. Alors si le bus arrive et que je ne suis pas là, elle va me planter là et partir au lycée sans moi !

Je me plante devant mon placard.

C'est toujours compliqué de trouver quelque chose qui m'aille sans me donner des airs de gamine de primaire. Finalement, je décide de porter ma tenue préférée: un t-shirt noir, une jupe patineuse avec des motifs tournesols en imprimé, des bottines noires et mon perfecto en cuir que je ne quitte jamais. Je rajoute une paire de boucle d'oreilles en forme de petits tournesols et, satisfaite de mon look, j'attrappe mon sac et je descends à la cuisine. Ma mère est là en train de lire son journal et de boire un thé au jasmin.

"Bonjour Maman. Il reste du jus d'orange ?

- Bonjour ma chérie. Regarde dans le frigo, il est tout frais de ce matin."

La grande passion de ma mère en ce moment, c'est de faire ses propres jus de fruits. La plupart sont pas mal, mais elle essaye de rendre ça "plus sain", genre en rajoutant du celery dans le jus de pomme, ou du jus de betterave dans le smoothie à la mûre. La semaine dernière, Katia a failli vomir quand elle lui a donné un jus de concombre et kiwi, j'étais morte de honte.

Je me verse un verre de jus d'orange (je reconnais le goût de la carotte dedans mais je me force à le boire quand même) et après une grosse tartine de Nutella, je cours dehors pour aller rejoindre Katia...

À ce moment là, je ne me doutais pas que ma vie allait complètement changer...

l'Étreinte des TénèbresWhere stories live. Discover now