Chapitre 5

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 Peu à peu, ma vision s'éclaircit. Contrairement à ce que je pensais, ça n'est pas ma chambre, mais l'infirmerie du lycée. Et contrairement à ce que je pensais, je n'y suis pas seule : Alban est au pied de mon lit, assis sur une chaise avec cette même élégance princière que je commence à associer avec lui définitivement.

Les évènements me reviennent à l'esprit, chassant les derniers lambeaux de mon cauchemar comme une douche glacée. Ma réaction complètement disproportionnée à la situation, la course dans les couloirs, ma chute dans les escaliers et... Ma chute ? Non, quelque chose cloche... Je n'ai mal nulle part. J'inspecte mes bras et mon visage, à la recherche de bleus, de bandages, n'importe quoi, mais rien. Même pas la moindre écorchure. On aurait pu croire que ça aussi, ça n'était qu'un rêve. La voix d'Alban s'élève à nouveau :

"Tu es complètement saine et sauve, si c'est ce qui t'inquiète.

- C... Comment est-ce possible ?

- Tu ne te souviens pas ?"

Il hausse un sourcil. La lumière filtre par la fenêtre de l'infirmerie, jetant des reflets d'or sur ses cheveux blancs. Combien de temps ai-je dormi ?

"Non... Je me souviens du moment où j'ai basculé, mais après..."

Son expression se mue en quelque chose d'autre l'espace d'une seconde, affichant une émotion sur laquelle je n'arrive pas vraiment à mettre de nom mais qui ressemble à... de la fragilité ? Puis il fronce les sourcils et son visage se durcit, effaçant toutes traces de sa précédente expression :

"Je veux dire, tu ne te souviens VRAIMENT pas ? Tu ne te souviens pas de moi, de nous ? De tout le reste ?" Il poursuit, sans me laisser le temps de répondre, "Ça n'est pas sensé arriver... Ça n'est jamais arrivé avant..."

Il se lève, me laissant confuse alors qu'il arpente la pièce d'un pas nerveux. Je me redresse et fait basculer mes jambes hors du lit pour pouvoir lui faire face en étant assise.

"Je ne comprends pas de quoi tu parles, Alban."

Ma voix me semble ridicule, comme étranglée, enrouée et tremblante. "Nous" ? Il y a eu un "nous", autrefois ? Il s'immobilise et me regarde à nouveau avec cette vulnérabilité à peine voilée dans les yeux.

"Il faut que je te dise quelque chose d'important, Sorcière, et je...

- Ambre.

- Pardon ?

- Mon nom est Ambre, pas "Sorcière", arrête de m'insulter. S'il te plaît."

Je sens à bout de nerfs, vidée de toute énergie. Ses yeux s'agrandissent sous le choc et il secoue la tête en s'avançant vers moi.

"Ça n'est pas une insulte, S... Ambre." La façon dont il prononce mon prénom avec son léger accent me fait frissonner. "Il faut que tu m'écoutes, c'est très important."

Je hoche la tête et je raidis mon dos, soutenant tant bien que mal le regard de ses yeux d'argent. Il a l'air terriblement sérieux, comme si ce qu'il allait me dire était une question de vie ou de mort.

"Ambre... La vérité, c'est que..."

La porte de l'infirmerie s'ouvre à la volée et ma mère se précipite vers moi, l'infirmière scolaire sur ses talons. Elle a pleuré si fort que son maquillage a dégouliné le long de ses joues en de longues traînées noires et humides. Elle me presse contre elle, me serrant à m'en couper le souffle.

"Ambre, mon bébé, est-ce que tu vas bien ?

- Ça va... Je crois."

Mes joues brûlent de honte à l'idée qu'Alban l'ait entendue m'appeler son "bébé" comme quand j'avais six ans, mais elle tremble entre mes bras et je ravale mes protestations le temps qu'elle soit rassurée que je suis bien en un seul morceau.

l'Étreinte des TénèbresWhere stories live. Discover now