.18 décembre - Noah.

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Elle a proposé qu'on aille boire un verre. Ça fait du bien de voir qu'elle a le cœur à sortir. Elle rit plus souvent. Elle a un si beau rire. Son visage s'illumine alors, et ses yeux brillent, et moi je n'ai d'yeux que pour elle. Mais même si ces moments se font moins rares, ils le sont toujours. Je la sens encore fragile. Parfois, je vois son regard se perdre, errer sans but. Je ne l'ai pas connue, avant. Mais j'espère qu'elle redeviendra celle qu'elle était.

Après un moment à parler de banalités, son visage se fait grave. Elle touille son verre de limonade avec sa paille et n'ose plus me regarder en face. Qu'est-ce qui ne va pas ? Je lui demande. Elle hésite, et je sens qu'elle a quelque chose à me dire. Va-t-elle m'informer qu'elle s'en va ? Qu'elle ne veut plus vivre avec moi ? Ce n'est pas comme si on était ensemble, mais elle fait désormais parti de mon quotidien. Au même titre qu'une colocataire, qu'un membre de ma famille. Je ne veux pas qu'elle parte. Mais non, ce qu'elle a à m'avouer et d'une toute autre nature et je suis à la fois rassuré et désemparé. Elle m'explique. Tout. Ce qui l'a rendu comme ça, si triste, si détruite. Ce qui la hante. Elle me dit tout, avec des mots simples. Je ne le prends pas pour une insulte, comme si elle parlait à un enfant. Plutôt comme si elle essayait de dire les choses le moins douloureusement possible. Malgré ses mots qui se veulent rassurants, apaisants, je bouillonne de colère. Aussitôt, je déteste cette Anna. Elle a détruit Gaëlle. Ma Gaëlle. Mais quelque part, c'est grâce à elle que je l'ai rencontrée. Pourtant, j'aurais préféré ne jamais la connaître si ça lui avait épargné cette souffrance. Sur son visage, à travers ses phrases entrecoupées d'émotions, je sens toute la douleur qu'elle contient. Qu'elle retient. Je lui prends la main, et les larmes glissent sur ses joues. Puis elle les essuie, me sourit et m'affirme que maintenant, ça va. Que tout va mieux, parce qu'en parler l'a libérée. Qu'elle se sentait prête. Qu'elle devait avancer, pour laisser son esprit se concentrer sur son autre problème. Je ne comprends pas bien. Je lui demande quel est ce problème, mais elle ne veut rien dire. Je m'inquiète. Va-t-elle se plonger à nouveau dans des sentiments néfastes ? Elle me rassure. Me dit que ça ne pourra jamais être pire. Qu'elle aimait trop Anna. Qu'après la perte de quelqu'un qu'on aime comme ça, rien ne peut plus vous troubler à ce point. J'en viens à jalouser cette Anna. Qu'a-t-elle fait pour recevoir tant d'amour de la part de Gaëlle ? Elle ne le méritait pas. Quand quelqu'un nous aime comme Gaëlle l'aimait, on ne disparaît pas ainsi. On ne laisse pas l'autre aussi désemparé, on ne le détruit pas sans même un mot. Jamais je ne pourrai lui faire mal ainsi. Ma tendre, ma précieuse Gaëlle. Désormais, c'est sur moi que semble s'attarder la tristesse. Je prends la mesure des sentiments de mon amie. Je me rends compte qu'un tel amour ne peut être concurrencé. Qu'elle l'aime, elle. Sinon, la peine n'aurait pas été aussi grande. Et moi, dans tout ça ? Moi, je l'aime trop pour lui faire du mal. Je l'aime trop pour la confronter à ces sentiments dont elle n'a que faire. Qui la gêneraient plus qu'autre chose. Je préfère continuer à veiller sur elle. Ma douce, ma délicate Gaëlle.



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Tranches de ViesWhere stories live. Discover now