.4 décembre - Anna.

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            Enfin, je suis à la maison. Enfin. Les cachets n'ont plus beaucoup d'effets sur moi. Ils ne m'apportent plus ni la paix ni le calme. À nouveau, j'ai mal. À nouveau, j'ai l'impression de mourir petit à petit. À nouveau, le manque se fait sentir. J'ai mal. Tellement mal. Je voudrais hurler mais je ne peux pas. Parce que rien ne sort, mais aussi parce qu'ils accourraient. Et ils me ramèneraient là-bas. Mais je n'y retournerais pas. Jamais. Parce que cette fois-ci, je ne me louperai pas.

             Ils n'ont pas encore assez confiance en moi pour me laisser seule à la maison. Ils veillent, me surveillent. Font attention à ce que je ne fasse plus de « bêtises ». Mais je n'ai pas la patience d'attendre qu'ils aient à nouveau confiance. Je mourrai de douleur avant. Alors, dans mon lit — puisque c'est là que je passe toutes mes journées — je prévois, je planifie. Hors de question que quelqu'un m'arrête cette fois.

             Une après-midi, je mets mon plan à exécution. Dans le jardin, derrière la maison, on a une immense piscine creusée. On y accède par la baie vitrée de la cuisine. Alors qu'ils regardent la télévision, persuadés que je dors encore, je me glisse dans la cuisine et, sans bruit, je sors. Je prends soin de fermer la baie vitrée à clef pour les ralentir s'ils essayent de me sauver. Ils ne comprennent pas que la seule façon de me sauver est de me laisser partir. Dehors, il fait froid. On est en novembre, et novembre dans le nord, ça ne pardonne pas. Je sais que l'eau doit être glacée et je m'en réjouis. Il paraît que mourir d'hypothermie est totalement indolore. Je traverse le jardin et retire la bâche de la piscine. Je songe à plonger puis me dis que le bruit les alerterait ? Alors je descends marche après marche, dans l'eau glaciale, et me régale du supplice. Mon corps semble hésiter entre le rouge et le bleu, tant la morsure du froid sur ma peau dévêtue résonne en moi comme une claque. L'eau me brûle comme de la lave. Je suis dans l'eau et pourtant, j'ai l'impression d'être en feu. Je laisse mon corps s'engourdir pour être sûre de ne plus pouvoir bouger. Sinon, je sais que l'instinct de survie me fera remonter à la surface malgré moi. Quand je ne peux plus faire un seul mouvement, au point que battre des paupières m'est difficile, je prends une grande goulée d'air puis l'expulse doucement, me laissant immerger dans l'eau. Mon corps, privé d'oxygène, cesse de flotter et s'enfonce lentement. Je crois que je suis déjà à moitié morte à cause du froid car quand l'eau entre dans mes poumons, je ne panique pas. Je l'accueille avec plaisir, accepte la délivrance qu'elle m'offre.

             Quelques minutes trop tard, ils arrivent à la piscine. Ils ont dû contourner la maison. Je ne sais pas ce qui les a alertés. Peut-être ont-ils voulu vérifié que j'allais bien et, ne me voyant pas dans mon lit, se sont inquiété. Elle pleure et lui hurle de se dépêcher. Il ne prend pas la peine de se déshabiller et plonge dans l'eau. Il me sort de là, me pose sur l'herbe et tente un massage cardiaque. Mais c'est déjà trop tard. J'ai réussi. Je suis morte. 


Crédit image : http://melisica.tk/post/72752671225




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