Chapitre 29 : Sasha

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Mon téléphone sonne alors que je suis devant la télé avec ma mère. Qui peut bien m'appeler à a une heure pareil ? Je le sors de ma poche et découvre la réponse à ma question. Léo. Je raccroche aussitôt. Je n'ai franchement pas envie de lui parler pour le moment. S'il veut réellement me parler, il viendra me voir au lycée. C'est ça ou rien.

Il essaye de m'appeler encore trois fois avant que je finisse par répondre, sous le regard insistant de ma mère. Je vais dans la cuisine pour être un peu plus tranquille.

“Allô ?
-Sasha !”

Il pleure. Il a crié mon nom avec tellement de soulagement dans la voix que j'en ai le cœur brisé. Mais je ne peux pas craquer, pas maintenant.

“Qu'est-ce que tu veux ?
-Je vais faire une connerie Sasha, une très grosse connerie… J'ai peur…
-De quoi tu parles ?
-C'est la seule solution ! Tu m'as dit que t'en trouverais une, et devine quoi ? Je l'ai trouvée !
-Léo, tu me fais flipper là. De quoi tu parles à la fin ?
-Le vide, je crois que j'ai le vertige. Mais il m'appelle, je suis sûr qu'il peut tout résoudre.
-Wow, Léo, qu'est-ce que tu racontes ? Où est-ce que tu es ?
-Je sais pas trop. Je crois que je suis en train de devenir fou. Ça, c'est à cause des coups que j'ai pris sur la tête ! C'est de sa faute ! Tout est de sa faute ! J'en peux plus Sasha, il faut que ça s'arrête, c'est la seule solution !
-Léo, stop stop stop, attend s'il te plaît. Dis-moi où tu es. Je déconne pas, je veux savoir où tu es. Je viens te chercher.”

Et c'est la pure vérité. Je suis déjà en train d'enfiler mes chaussures et mon manteau. Ma mère fait comme moi. Elle a dû comprendre à mon expression terrifiée que quelque chose n'allait pas. Et elle a entièrement raison. Je crois avoir compris ce que Léo s'apprête à faire, et ça me fait horriblement mal. Je suis terrifié. C'est de ma faute. Je n'aurais jamais dû lui parler comme ça l'autre jour. Il veut que tout se termine. Il veut mourir. Il veut se suicider putain.

“Léo ?
-Oui, je suis là. J'écoutais le vent. C'est super relaxant tu sais. Je m'étais pas senti aussi bien depuis que ma sœur est partie. Enfin si, avec toi, mais comme t'es plus là ça compte pas vraiment. J'aurais dû venir ici avant. En plus, la vue est super belle.”

Je ne sais pas s'il pense vraiment tout ce qu'il dit ou s'il délire juste à cause du désespoir. Et du fait qu'il est probablement au bord du vide, prêt à sauter.

“Où es-tu Léo ? Je suis dans la voiture, on part tout de suite.
-J'en sais rien Sasha. Je suis parti du parc à côté de ma prison après avoir réalisé que j'avais plus personne, que j'étais tout seul pour toujours. Et que c'était plus simple de tout arrêter maintenant plutôt que d'attendre. J'ai marché pendant des heures, et je suis venu ici.
-Ça ressemble à quoi ? Qu’est-ce que tu vois ?
-C'est un immeuble. Plutôt haut, et très moche. Tout gris. Mais il y a des gens qui y vivent. Les pauvres. C'est tellement moche. Heureusement, il y a deux carrés d'herbe en bas de l'immeuble. Pour que les chiens fassent leurs besoins je suppose. Du coup c'est nul en fait. N'empêche que c'est pas loin du centre-ville. Et ils font des travaux à côté, peut-être qu'ils essayent de rendre l'endroit un peu plus beau. En tout cas, c'est aussi moche que ma vie.
-Je sais où c'est, j'arrive Léo. Ne bouge pas, je suis là dans cinq minutes. Promis. Ne bouge pas, je t'en supplie !”

Je ne raccroche pas, de peur qu'il saute. J'indique à ma mère la route à prendre au fur et à mesure que nous avançons. Ma voix tremble, tout comme le reste de mon corps. J'ai les yeux qui piquent, mais aucune larme n'en sort. J'ai bien trop peur pour ça. Faites qu'il ne soit pas trop tard, je vous en supplie !

Nous arrivons au bout de quatre minutes exactement. Je saute de la voiture avant qu'elle ne soit arrêtée et je cours jusqu'à la porte de l'immeuble. Heureusement, quelqu'un sort au moment où j'arrive, je n'ai pas besoin de sonner et d'attendre des siècles. Faites qu'il n'ait pas sauté, faites qu'il soit toujours là-haut… Je ne me le pardonnerai jamais. Tout ça, c'est de ma faute. J'ai été égoïste, j'ai complètement ignoré ces souffrances alors qu'elles étaient là, face à moi, plus réelles que tout le reste. Je ne suis qu'un idiot !

Aide-moi Sasha...Where stories live. Discover now